Louis Oury rend hommage à Julien Gracq
L'auteur populaire et régional Louis Oury (Les prolos notamment), 74 ans, témoigne de son admiration pour l'écrivain de Saint-Florent-le-Vieil.
Julien Gracq nous a quittés. Après Hervé Bazin, c'est un grand écrivain angevin qui s'en va. Tous deux ont guidé mes premiers pas en littérature. Julien Gracq en premier quand, en 1982, je publiai « Mon village à l'ère nucléaire », situant dans la contrée de sa résidence l'implantation de ce qui serait appelé la « centrale baladeuse ». Dans ce roman, je rappelais, notamment, ma traversée de la Loire en 1948, entre Varades et Saint-Florent-le-Vieil, sur une barque, le pont détruit par les bombardements n'étant pas reconstruit.
Je fus surpris de recevoir une lettre de Julien Gracq, qui m'écrivait : « Je me retrouve en pays de connaissance, tout en me familiarisant utilement avec des problèmes actuels qu'on aborde, malheureusement, avec trop d'ignorance. Je me souviens que l'EDF était venue sonder, il y a quelques années, un pré que je possède dans la vallée entre Ingrandes et Champtocé ; je crois que le projet agité est abandonné, mais c'est vous dire que votre livre est pour moi d'une actualité particulière. »
« Intellectuel antifaciste »
Que « Mon village à l'ère nucléaire » en apprît à l'un des meilleurs écrivains français contemporains qui, de plus, me saluait d'un « avec toute ma sympathie », me remplit d'aise, car son « en lisant, en écrivant » et, surtout, ses « Lettrines » avaient beaucoup contribué à l'affinage de mon style. De plus, si les « pleureuses » habituelles des oraisons se limitent à son style de littérateur, Julien Gracq fut de la lignée des grands « écrivains » de son époque, avide d'un idéal, ce qui le fit adhérer au Parti communiste en 1935, puis devenir, à Nantes en 1936, alors que l'Europe tremblait sous les bruits de bottes des armées de Mussolini, Hitler et Franco, président local du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes.
Si comme la majorité des autres, Julien Gracq démissionna du PCF en 1939 sitôt la signature du pacte de non-agression germano-soviétique, il ne renia pas cet engagement alors que se jouait l'avenir de notre civilisation. Il le confirma l'an dernier dans une interview publiée par Ouest-France le 9 novembre 2006 : « J'ai pris part à mon siècle, j'ai même été inscrit au Parti communiste. Mais je considère que les grands livres engagés tiennent par autre chose que par le prêche qu'ils répandent. Par le style. »
Tout est là, et pour ma part j'adhère pleinement à cette conception du rôle de l'écrivain : ne pas prêcher, mais éveiller des consciences. De la sorte Julien Gracq, qui refusa le prix Goncourt et dénonça la « littérature à l'estomac », a beaucoup contribué au mûrissement de talents littéraires. Réconfort encourageant tant de nos jours sont insipides les livres lauréats des distinctions littéraires, trop médiatisées.
Louis OURY.
Ouest-France
vendredi 7 mars 2008
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