vendredi 22 août 2008

Olivet 45 « Le roi pêcheur » de Julien Gracq

« Côté jardin » se prépare en coulisses à Olivet
Publié le 22 août 2008 - 08:58
« Tango , 1er mouvement » avait ouvert le bal du dernier festival « Côté jardin », le 6 septembre 2007, sur la commune d'Olivet.
La septième édition des rencontres théâtrales s'ouvrira le jeudi 4 septembre, à 21 heures, au théâtre de verdure du Poutyl, avec « Le roi pêcheur » de Julien Gracq. Quatre soirées en plein air au programme.

Pour 2008, tout commencera par la quête du Graal, le jeudi 4 septembre, avec « Le roi pêcheur » de Julien Gracq, interprété par la compagnie Théâtre du 1er vol de l'hirondelle. La mise en scène est signée Laurence Arpi. Douze acteurs et un musicien feront revivre le mythe du Graal.

Michel Chaillou

mardi 25 décembre
Julien Gracq
Cet écrivain de grand talent vient de mourir à un âge assez avancé. J'égrène à voix basse comme une prière les titres de ses livres. Ce sentiment d'exil que me procure la moindre de ses phrases, comme un appel à des patries perdues. J'ai lu autrefois avec émotion Le rivage des Syrthes, Au château d'Argol, Un Beau Ténébreux. Depuis des années je ne le lis plus, mon chemin d'écriture s'est poursuivi ailleurs, mais je le savais là, au bord de la Loire, ce fleuve auprès duquel je suis né, la Loire, cette déclamation de la France jetée dans l'Océan. Je n'ai jamais vu Julien Gracq mais c'est comme si je l'avais rencontré tant ses livres font entendre sa voix rectiligne. Un écrivain c'est une solitude mais de savoir que la sienne a disparu me touche profondément. C'est tout.
Michel Chaillou

mardi 19 août 2008

"Taille : moyenne. Visage : banal. Habillement : neutre. Pas de signes particuliers, sauf une verrue sur la joue. " Michel Volkovitch

FANTÔMES

Taille : moyenne. Visage : banal. Habillement : neutre. Pas de signes particuliers, sauf une verrue sur la joue.

Je n'ai jamais été son élève. Il n'était qu'une silhouette croisée dans les couloirs, carte de géographie sous le bras, sérieux, perdu dans ses pensées ou semblant ne pas en avoir.

Si je parle de ce fantôme, c'est que derrière cet anodin M. Poirier, professeur d'histoire-géographie au lycée Claude-Bernard à Paris, se cachait un personnage fabuleux. Oui : Julien Gracq. J'ai côtoyé pendant sept ans l'un des grands de ce siècle, un des écrivains dont les livres, par la suite, ont le plus compté pour moi. J'aurais même pu l'avoir comme professeur, si au lieu de passer en première littéraire je n'avais préféré suivre en section scientifique mes bons copains Jean-Marie Clément, Jean Sotiriadis, Olivier Moch, Pierre Strobel, Christian Dispot, Didier Chartier, Claude Rambach... Et cela n'a fait à l'époque ni chaud ni froid au petit crétin que j'étais.

Nous savions pourtant qu'il écrivait, que dix ans plus tôt cet homme d'une discrétion maladive avait causé, ô paradoxe, un scandale énorme en refusant le prix Goncourt. Mais nous ne l'avions pas lu, il n'était pas encore statufié, pléiadisé, et l'humble apparence de ce Poirier-là aurait eu de quoi doucher les plus brûlantes ferveurs.

Plus tard, j'ai regretté le rendez-vous manqué de 1963. J'ai harcelé de questions ses anciens élèves, pour essayer d'imaginer les cours du grand homme. Échec total. Rien à dire. Bon prof, oui, sans doute, mais distant, absent ; ne parlant jamais de ses livres ou même de ceux des autres. Rien que l'histoire et la géo, rien que le programme.

Une seule anecdote m'est parvenue, qui résume tout : un imprudent étant allé à la fin du cours, Rivage des syrtes en main, quémander une dédicace, le prof avait sèchement refusé. Il aurait même nié être l'écrivain s'il avait pu. Georges Perec, qui fut son élève au même lycée en 5e (si j'en crois Les lieux d'une fugue), n'a jamais, que je sache, écrit une ligne sur lui, comme si pour une fois il ne se souvenait de rien. Doctor Poirier avait réussi à faire oublier Mister Gracq, sa créature au nom claironnant et craquant comme des bottes neuves, ce Julien caracolant comme un héros de Stendhal — antithèse absolue du nom officiel si plat, aux syllabes désolamment molles.

Louis Poirier la tenait enfermée, cette créature, comme si c'était un monstre dangereux, tel celui du professeur Frankenstein — mais avec plus de succès : notre homme a mis une espèce de génie, non seulement dans ses livres et son pseudo, mais dans la séparation parfaite entre ses deux dissonantes moitiés. (À moins que la fameuse verrue n'en ait été l'unique résurgence, bulle montée des profondeurs, seul cri audible du captif, aussitôt figé ?)

Jamais on ne fut terne avec autant d'éclat.

Moralité : si j'avais eu Poirier pour prof, jamais, cette année-là, je n'aurais rencontré Gracq. Cela me donnerait peut-être le courage, il est vrai, d'aller voir aujourd'hui le très vieil homme à Saint-Florent-sur-Loire où il achève son existence physique, comme on va saluer, avec tendresse et gratitude, la fidèle habilleuse d'une diva défunte. Mais oserais-je évoquer devant lui l'absent immense ? Et surtout, si j'avais été son élève, aurais-je envie de le revoir ?



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