mardi 15 septembre 2009

Bagnols sur Cèze Jeudi 17 septembre 2009

Café littéraireÀ 18 h, médiathèque Léon-Alègre, conférence sur Julien Gracq par Marie Benel, enseignante au Cadref. Entrée libre.


Bagnols sur Cèze Jeudi 17 septembre 2009

lundi 7 septembre 2009

Crise collective et écriture romanesque chez Julien Gracq

Auteur PERRIN Dominique
Titre Crise collective et écriture romanesque chez Julien Gracq
Other title Julien Gracq : Political Crisis and fiction writing
Directeur DEBREUILLE Jean-yves
Jury GELAS Bruno
Jury DEBREUILLE Jean-yves
Jury MASSON Pierre
Jury MURAT Michel
Diplôme Doctorat Nouveau Régime
Discipline Lettres et arts
Université Université Lumière Lyon 2
Ecole doctorale Humanités et Sciences Humaines
Faculté Faculté des Lettres, des Sciences du Langage et Arts
Soutenance 2006-11-16
dc:type Thèse de Doctorat Nouveau Régime
Résumé L’œuvre de Gracq affirme clairement sa littérarité - par opposition à d’autres types de productions langagières et textuelles - et son indépendance - par opposition à une logique dite de marché. Le problème global que pose le processus de sa consécration est celui du sens et de la portée de cette affirmation d’autonomie : quelle conception de la littérature, quelles valeurs et quel rapport au collectif recouvre t elle effectivement ?
Restituer son contexte historique à la production fictionnelle et prendre en compte l’ensemble des interventions publiques de l’écrivain, en particulier ses entretiens, permet d’interroger la représentation ambiguë d’une grande œuvre « étrangère à son temps » et plus généralement le mythe de l’intellectuel « insituable ». Le retour sur la biographie intellectuelle et sensible de Julien Gracq rappelle qu’il entre en littérature dans le contexte d’une crise politique qui affecte, avec l’installation de l’hitlérisme en Allemagne, l’idée même de société (Partie I). Entre 1936 et 1939, la prise de conscience touchant au caractère catastrophique de la situation politique européenne n’influence pas seulement l’engagement de Louis Poirier au Parti communiste : le sentiment exacerbé de l’ampleur de la crise collective préside à l’invention même de « Julien Gracq » (Partie II), et par là à l’ensemble de la production romanesque (Partie III).
Sumary The works of Julien Gracq claim their belonging to the sphere of literature - in opposition to other forms of expression and writing - and their independance from the law of the market. Our purpose is to fully understand the range of this claim of independance through a series of questions : what would be Gracq’s definition of literature ? What values and what kind of relationship to society are induced by this particular definition ?
In order to answer those questions the present essay particularly focuses on the writer’s speeches and interviews and tries to explore the historical context of his creation. The rise of fascism in the 1930ies was to prove of great significance for Gracq, not only as far as his political comittment - in the Communist party - is concerned, but also because it is at the core of his very process of writing. The writing of his novels can thus be understood in the light of his experience of this major crisis in european thought and tends to contradict the established image of a writer whose work would be « out of his time ».
Mots clefs Julien Gracq; réception; Histoire collective; poïétique
Key Word Julien Gracq;reception;collective history;poïetic
Editeur CyberDocs
Format text/xml
Langue fr
Copyright Copyright PERRIN Dominique et Université Lumière - Lyon 2 - 2006.Ce document est protégé en vertu de la loi du droit d'auteur.
Diffusion [intranet]
URI http://demeter.univ-lyon2.fr/sdx/theses/lyon2/2006/perrin_d
Taille 1026526

De Louis Poirier à Julien Gracq.

Collection privée DR



C’est à une véritable enquête que se livre Dominique Perrin dans son récent ouvrage intitulé De Louis Poirier à Julien Gracq. Le titre en lui-même dessine une trajectoire qui conduit de l’homme à l’auteur : c’est dans cet espace de dédoublement que la critique tente de cerner ce que l’auteur doit à l’homme en cherchant à élucider ce qui a présidé à la naissance de l’écrivain majeur qu’il est devenu.

Après une longue introduction qui parcourt l’ensemble de la critique gracquienne pour en donner un état des lieux, l’ouvrage se dessine en trois étapes successives visant à résoudre l’énigme qui relie « l’instance civile » à « l’instance poétique ». Le préambule se concentre sur le motif qui cristalliserait les enjeux de cette métamorphose, à savoir le « fragment Fest », point de départ d’une investigation chronologique, de la « formation de l’écrivain » (première partie), à « l’énigme » des « débuts littéraires » (deuxième partie), pour mieux conduire à « la question du rapport à l’Histoire collective » (troisième partie).

Le vaste préambule s’intéresse donc au fameux « fragment Fest », situé et mis en perspective par rapport à l’œuvre et au discours critique : s’y lisent les rapports étroits qui lient Louis Poirier au contexte historique de la montée de l’hitlérisme, le climat de cette période de tensions informant le propos et l’élan créateur de Julien Gracq. Le « fragment Fest » constitue ainsi la métonymie fertile du projet critique de Dominique Perrin, celui de la rencontre et de la constitution du « sujet poétique » Gracq sous l’influence d’une « crise collective ».

lundi 17 août 2009

Une maison Gracq à Saint-Florent-le-Vieil 2 aout 2009

Une maison Gracq à Saint-Florent-le-Vieil
La maison natale de l'auteur des Eaux étroites va devenir une « maison des écrivains ». Un de ses souhaits avant sa mort.
Héritier de Jules Verne et des surréalistes, l'auteur d'Au château d'Argol est décédé en décembre 2007 à l'âge de 97 ans. Il souhaitait qu'après sa mort, sa maison, située sur le bord de la Loire à Saint-Florent-le-Vieil, devienne une « maison des écrivains ». Le projet est en bonne voie : Hervé de Charette, maire de la commune, vient accepter l'héritage de son illustre administré.

Compte tenu de l'importance de ce patrimoine immobilier et surtout des travaux qu'il nécessite, le cadeau pouvait paraître empoisonné. Le montant des travaux est estimé à 1 700 000 € !

Première légataire, la Fondation de France a déclaré forfait, faute de moyens suffisants. Avant de se décider, Hervé de Charette s'est donné le temps de la réflexion, en établissant de nombreux contacts avec la Région, le Département, le ministère de la Culture et même l'Élysée. Le statut d'ancien ministre permet d'ouvrir bien des portes.

Il a, semble-t-il, obtenu des garanties suffisantes de la Région, présidée par le socialiste Jacques Auxiette, pour lancer l'opération. La commune souhaite réaliser ce projet avec un groupement d'architectes et de bureaux d'études. Un appel d'offres va être lancé prochainement.

Ce lieu n'a pas vocation à devenir un musée ou une maison d'écrivain, Julien Gracq était opposé à cette idée. Il souhaitait qu'il devienne un espace vivant, ouvert aux créateurs. Le projet, d'envergure internationale, devrait aller dans ce sens.

M. C.
Ouest-France

vendredi 17 juillet 2009

Julien Gracq audio : Trois ouvrages de Julien Gracq dans la Voix du Nord

Trois ouvrages de Julien Gracq

jeudi 16.07.2009, 04:47 - La Voix du Nord

Pour Jean Lieffrig, une des réussites de la maison d'éditions Autrement dit est sans aucun doute la publication de trois oeuvres de Julien Gracq, le célèbre auteur disparu en 2007. Explications.

« Nous sommes les seuls au monde à qui Julien Gracq a cédé les droits d'enregistrement de lecture intégrale d'Un Balcon en forêt, des Eaux étroites et du Rivage des Syrtes », annonce fièrement Jean Lieffrig, calé dans le fauteuil d'un petit bureau, place des Archers, à Mons. Tout cela, évidemment, avant que le célèbre écrivain ne décède, fin 2007.
Trois oeuvres


À l'origine de cette cession se trouve une lecture, lors de laquelle Alain Carré, l'une des "voix" de la maison d'éditions, avait donné vie à Sylvie, l'une des nombreuses nouvelles Des Filles du feu, de Gérard de Nerval. Un récit qu'avait particulièrement apprécié l'écrivain.

Résultat, aujourd'hui, Un Balcon en forêt est déjà disponible sous forme de coffret CD, en MP3 ou encore en téléchargement direct sur le site d'Autrement dit.

Les deux autres ouvrages, Le Rivage des Syrtes et Les Eaux étroites, sont quant à eux uniquement disponibles en téléchargement, avant de l'être en CD ou en MP3.

Ironie du sort : l'édition d'Un balcon en forêt est sortie quasiment au moment de la mort de Julien Gracq, de son vrai nom Louis Poirier. Un récit dont l'action se passe par ailleurs dans le nord de la France, du côté des Ardennes. •

mercredi 29 avril 2009

Le Figaro** confidentiel...L'écrivain Georges Walter

Une lettre inédite de Julien Gracq

L'écrivain Georges Walter avait reçu, lors de la parution de sa biographie d'Edgar Allan Poe en 1991, une lettre de Julien Gracq. Elle est publiée en postface à l'occasion de la réédition de l'ouvrage dans la collection de poche «Libretto». «Tous les fidèles de Poe - dont je suis - vous sauront gré de la masse de faits grands et petits que vous mettez au jour, et qui élargissent la connaissance d'une vie sur laquelle pourtant les données précises déjà ne manquaient pas», souligne l'auteur du Rivage des Syrtes.

mercredi 15 avril 2009

Georges Walter..dans le Figaro

Bicentenaire de Poe : la lettre de Gracq

À l'occasion du bicentenaire de la naissance d'Edgar Allan Poe, la biographie que lui a consacrée Georges Walter est rééditée en mai aux Éditions Phébus, dans la collection «Libretto». Avec, en postface, une lettre inédite que Julien Gracq avait adressée à l'auteur en février 1991. «Tous les fidèles de Poe - dont je suis - vous sauront gré de la masse de faits grands et petits que vous mettez au jour, et qui élargissent la connaissance d'une vie sur laquelle pourtant les données précises déjà ne manquaient pas», souligne l'écrivain. Un hommage que Georges Walter savoure comme une revanche. En 1997, les exemplaires restants d'«Enquête sur Edgar Allan Poe, poète américain» avaient été pilonnés par Flammarion, son éditeur d'origine.

mardi 10 mars 2009

«La vérité, c'est que je redoute le livre de trop.»

L'éditorial de François Busnel
Le désir d'être publié


Lire, mars 2009


Tout change, paraît-il. Non, il y a quelque chose qui ne change pas, ici, en France, quelque chose qui perdure, quelque chose qui fait toujours rêver, quelque chose que l'on érige en Graal et pour quoi l'on peut se battre toute une vie: le désir d'être publié. En France, tout le monde écrit. Voici un pays où l'on dénombre plus d'écrivains que de lecteurs. Où le livre est encore considéré comme un ami. C'est plutôt une bonne nouvelle! Le problème, c'est que tout le monde entend bien être édité...

Or, disons-le au risque de déplaire, ce n'est pas le livre qui fait l'écrivain. Pas plus que l'habit ne fait le moine. Etre édité est un rêve. Comme tous les rêves, il faut donc le réaliser. Ne jamais renoncer. Tout entreprendre pour qu'un manuscrit de-vienne, le plus tôt possible, un véritable livre. Soit. Mais savoir, aussi, quels obstacles il faudra surmonter, à quels dangers il faudra faire face. Savoir, surtout, qu'une fois publié un livre est soumis aux caprices d'un sort dont nul ne peut prédire l'issue. Un livre, c'est une coque de noix lancée en pleine mer: il lui arrive ce que les flots et les vents décident, jamais ce que l'armateur ou le skippeur imaginaient. Je ne cherche pas, en écrivant cela, à désespérer les écrivains en herbe. Mais à les préparer à ce qui les attend. L'écrivain doit avant tout faire sienne la maxime de Marc Aurèle: «Il y a des choses qui dépendent de nous et d'autres qui n'en dépendent point.» Ce qui dépend de nous, c'est de tout faire pour être édité; ce qui ne dépend pas de nous, c'est d'avoir prise sur l'accueil qui sera fait à nos livres.

Le désir d'être publié ferait sans doute le miel de ceux qui font profession d'observer les névroses de quiconque bouge encore (pourquoi diable, en effet, souhaite-t-on à tout prix transformer un manuscrit en livre?). Mais Lire n'est pas un magazine de psychologie; nous nous contenterons donc de vous offrir les conseils que nous croyons les plus justes, ceux que nous dispensons aux nombreux auteurs de romans, journaux, écrits intimes ou sagas qui, chaque jour, nous envoient leurs trésors avec l'espoir que nous les transmettrons à un éditeur. A ce propos, s'il vous plaît, chers lecteurs, chers abonnés, ne nous adressez plus vos manuscrits! Oh, ce n'est pas que nous ne nous y intéressons pas, mais, voilà, il faut vous dire l'horrible vérité: nous ne sommes pas éditeurs. Nous sommes journalistes. Notre métier consiste à lire ce qui a déjà été publié, pas à faire publier ce qui doit l'être. Et, non, je vous l'assure, nous ne connaissons pas un éditeur qui... Le mélange des genres (journaliste-écrivain-éditeur-membre de jury...), très peu pour nous. A chacun son métier.

Le désir d'être publié, donc. Il revient, plus fort encore, à chaque rentrée littéraire. Un petit tour en librairie suffit à se convaincre que oui, pourquoi pas moi, au milieu de tant d'ouvrages, de tant de nouveautés... Oui, en effet. Mais les tables des libraires sont, pour qui vient d'achever son oeuvre dans la fièvre, un véritable trompe-l'oeil. Du manuscrit à la librairie, le parcours est long, sinueux, rempli d'embûches et soumis au hasard, chargé d'espoir et lourd de soupirs.

La plupart du temps, tout commence ainsi: «J'ai écrit un livre. Une sorte de roman. Et je me demandais comment faire...» Les mots de Truffaut dits par Charles Denner dans L'homme qui aimait les femmes. «Eh bien si c'est un roman, vous pouvez le proposer aux éditeurs. Mais ne vous faites pas d'illusions. Si vous n'avez pas une rubrique dans un journal, si vous n'êtes pas pistonné, c'est la croix et la bannière pour faire éditer un premier livre. Mais vous pouvez toujours essayer», lui répond le médecin de province sagement assis devant sa rangée de Pléiades en exhibant son propre ouvrage, «publié à compte d'auteur». Denner a raison et le médecin a tort. Il faut toujours se faire des illusions. Le piston n'est pas, n'est plus, la règle d'or pour se faire éditer. Le croire, c'est s'enfermer dans la spirale de l'aigreur. Un bon manuscrit trouve sa voie. Toujours. C'est long. C'est lent. Cela arrive après mille refus. Mais ça arrive.

«Publier, c'est l'art d'accommoder les restes», disait Paul Valéry. Amertume ou moquerie? Les deux, sans doute. Les apprentis écrivains devraient donc lire Marc Aurèle, Paul Valéry, et ce numéro de Lire. Ils feraient bien d'ajouter à ce programme le très beau livre que Jérôme Garcin fait paraître au Mercure de France: une plongée chez les écrivains. On découvre, dans Les livres ont un visage (240 p., 17 euros), l'intimité d'une oeuvre, les coulisses de la création. C'est lumineux. Plein d'espoir. Et puis, surtout, il y a ce scoop... Rendant visite à Julien Gracq et s'étonnant que l'un des plus grands écrivains du XXe siècle ne publie plus depuis des années, Jérôme Garcin s'entend répondre ceci, que devraient méditer tous ceux qui écrivent et tous ceux qui désirent être publiés: «La vérité, c'est que je redoute le livre de trop.» Imparable.

samedi 31 janvier 2009

Il y a mille façons de partir à l'assaut d'une ville. (>>>Provisoire mais excellent sur Nantes)

Il y a mille façons de partir à l'assaut d'une ville. Mille manières de l'arpenter, de se l'approprier, d'en saisir les secrets. Celle, par exemple, d'un Julien Gracq découvrant Nantes "à l'aventure", "en petit sauvage", "sans le moindre souci d'en ranger les éléments par ordre d'excellence" (1).

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Extrait

"J'adore les villes qui n'en sont pas. Tous mes amis détestent Los Angeles, alors que je l'ai tout de suite aimé, son climat, son fouillis d'autoroutes, ses palmiers, ses immenses boulevards (...). Je sais depuis longtemps qu'on ne vit pas à l'unisson des "belles villes", même si on ne se lasse pas de les regarder. J'ai été malheureuse comme les pierres à Prague, pourtant une des plus belles villes du monde, mal dans ma peau à Venise, pas toujours très bien à Paris et ainsi de suite. Dans les villes-patchworks, dites sans cachet comme Los Angeles, comme Montréal, dans ces juxtapositions de "villages" faits de bric et de broc, je m'épanouis, je m'insinue dans les interstices, je crée mon espace. Ce sont des villes "entre". Elles ne me terrorisent pas par leur passé, leur monumentalité, leur patrimoine à préserver, leur urbanisme harmonieux. Je suis à l'unisson des villes déglinguées, des friches où le sens est en déroute, espaces nomades où je peux tailler ma place."


"Mégapolis" (page 224.)

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Forum Littérature

Ou bien celle, plus méthodique, d'Anaïk Frantz et François Maspero, qui sillonnèrent pendant un mois la ligne B du RER parisien en se donnant pour règle de passer une journée autour de chaque station afin de s'imprégner de la moindre parcelle de l'espace urbain (2). Comme Olivier Rolin, on peut décider de mettre ses pas dans ceux des autres, cheminer dans Prague, Lisbonne ou Dublin en mimant les allées et venues de Kafka, de Pessoa ou de Joyce (3). On peut aussi, à l'instar des artistes du groupe Stalker, fuir les espaces habités pour traquer la "ville résiduelle", celle dont l'âme se love dans les terrains vagues et les quartiers en friche.

On peut enfin ne pas choisir, s'autoriser les déambulations les plus variées, admettre que, pour découvrir une ville, tous les "principes d'investigation" sont légitimes. C'est le cas de Régine Robin. Ce refus de tout systématisme n'a rien d'étonnant de la part de cette universitaire hors norme, romancière à ses heures, dont l'oeuvre protéiforme, jalonnée d'études savantes et de textes plus personnels, se déploie depuis une quarantaine d'années à la charnière de l'histoire, de la sociologie et de la linguistique.

Spécialiste de la Bourgogne de la fin du XVIIIe siècle autant que de Kafka et du réalisme socialiste, Régine Robin n'a jamais fait mystère de sa "passion des grandes villes". On se souvient de son vagabondage érudit dans la mémoire architecturale et littéraire de la capitale allemande (Berlin chantiers, Stock, 2001). Le passionnant Mégapolis, qui paraît aujourd'hui, en est un peu le prolongement. Même si l'histoire y est convoquée de façon plus discrète que dans le précédent livre, la méthode est analogue : se définissant comme "flâneur sociologique", l'auteur s'intéresse moins à la "ville réelle" qu'à la "ville fantasmée", cette image que chacun s'en fait à partir de ses promenades, de ses souvenirs et de ses lectures. Cinq "villes-monstres" sont au coeur de l'ouvrage : New York, Los Angeles, Tokyo, Buenos Aires et Londres.

Comment "prendre à bras-le-corps" ces cinq mégapoles "fascinantes, troublantes, passionnantes, épuisantes" ? Pour relever le défi, Régine Robin n'a pas manqué d'imagination. A Londres, elle s'est rendue dans "tous les terminus de toutes les lignes de métro", convaincue que cet "encerclement" par la périphérie était le seul moyen de "cerner" cette "ville de fragments, d'éclats (et) de chaos". A New York, en revanche, c'est en remontant Broadway, la colonne vertébrale de Manhattan, qu'elle a eu l'impression de mieux saisir le "halètement" de la ville, "son énergie explosive, magnétique, vitale". A Los Angeles, elle a délibérément renoncé à circuler en voiture : car rien ne remplace le bus ou la marche, explique-t-elle, pour explorer ces vastes "espaces sans qualité" - parkings, rangées d'immeubles... - constitutifs de la cité californienne.

Ce livre est d'abord la chronique, souvent drôle, parfois un brin nostalgique, de ses "performances". Mais il n'est pas que cela. Car Régine Robin est une lectrice et une cinéphile boulimique, qui a le don de faire partager ses enthousiasmes. Ses pérégrinations sont aussi celles de dizaines de personnages de fiction, sur les traces desquels elle n'a pas hésité à marcher : Harry Bosch, le flic des romans de Michael Connelly, qui l'oriente dans les "arcanes" du downtown de Los Angeles ; Bruno Cadogan, le narrateur du Chanteur de tango, de Tomas Eloy Martinez, qui l'emmène sur les lieux de mémoire de la capitale argentine ; ou encore les héros d'Hanif Kureishi, grâce à qui elle découvre le Londres interlope des travestis et des dealers.

"ESTHÉTIQUE DE LA DÉGLINGUE"

Mises bout à bout, ces références finissent par dessiner une sorte de "géographie sentimentale" d'un subjectivisme assumé. Car Régine Robin a ses obsessions. Elle aime "l'esthétique de la déglingue" - les échangeurs, les embouteillages, les klaxons, les sirènes, les affiches publicitaires, les graffitis et les néons criards. Elle avoue son goût pour les chambres d'hôtel donnant sur de grandes artères, les seules qui lui permettent de percevoir le "timbre" de la ville. C'est enfin, comme aurait dit Jean Paulhan, une véritable "métromane", pour qui sillonner le sous-sol d'une ville est aussi instructif que de circuler en surface.

On peut bien sûr ne pas partager tous ses tropismes, la trouver injuste avec Brooklyn et Santa Monica, ou ne pas adhérer à sa vision angoissée du Grand Londres. Il n'empêche. Régine Robin, comme jadis un Baudelaire, un Walter Benjamin ou un Siegfried Kracauer, sait trouver les mots justes pour célébrer la figure du "flâneur". Et pour chanter, avec une foi revigorante dans la modernité, ce qu'elle appelle joliment la "poétique des mégapoles".
MÉGAPOLIS. LES DERNIERS PAS DU FLÂNEUR de Régine Robin. Stock, "Un ordre d'idées", 402 p., 25 €.

(1) La Forme d'une ville, José Corti, 1985.

(2) Les Passagers du Roissy-Express, Seuil, 1990.

(3) Sept villes, Rivages, 1988.

Thomas Wieder

jeudi 29 janvier 2009

Edmond Humeau...Maurice Chappaz...Suisse...Valais



Taper Gracq ou Humeau dans les archives du JOURNAL DE GENEVE


Dans l'HEBDO de LAUSANNE..sur Jérôme GARCIN

Chez Garcin

Par Michel Audétat


Il publie «Les livres ont un visage» où on le voit s’introduire chez les écrivains qu’il admire: l’ouvrage étant remarquable, nous sommes allés rendre visite à ce visiteur.



Un jour, chez l’écrivain Julian Barnes qui l’avait laissé seul le temps d’aller faire quelques courses, Jérôme Garcin en profita pour explorer sa maison londonienne de la cave au grenier, ouvrant toutes les portes, s’abandonnant ainsi aux délices un peu coupables de l’espionnage littéraire. Jérôme Garcin pense qu’on peut lire dans la maison d’un écrivain comme dans un livre. De ses visites, il a tiré une galerie de magnifiques portraits. Un ouvrage qui les rassemble vient de paraître: Les livres ont un visage.
A Paris, Jérôme Garcin habite une maison charmante et bien dissimulée à laquelle on accède en gravissant la rue des Martyrs: stendhalien jusque dans le choix de son domicile, il vit sur cette pente du IXe arrondissement qui surplombe la capitale. Comme lui-même n’hésite pas à satisfaire sa «curiosité indiscrète et bienveillante» en s’introduisant chez les auteurs qu’il admire, quoi de plus naturel que d’aller rendre visite à ce visiteur? Bien sûr, l’idéal aurait été d’appliquer sa méthode, espionner son bureau ou sa cuisine, fureter dans sa corbeille à papiers, mais Jérôme Garcin n’avait malheureusement aucune course à faire ce matin-là...
«Avec ses cours secrètes et ses jardins, ce quartier est un petit bout de paradis qu’on appelait autrefois la Nouvelle Athènes», raconte Jérôme Garcin qui s’est installé ici en 1985. «J’ai basculé sur la rive droite après avoir rencontré ma femme Anne-Marie.» Cette rencontre avec la comédienne Anne-Marie Philipe, fille de Gérard Philipe, Jérôme Garcin l’a évoquée avec beaucoup de délicatesse dans son très beau Théâtre intime (Gallimard, 2003). Comme elle, il est un enfant de la rive gauche. Son Paris, ce fut d’abord cette république des lettres où son père occupait un poste de directeur éditorial aux Presses universitaires de France.

Hippomanie galopante. Nul besoin de s’appeler Sherlock Holmes pour deviner, en pénétrant dans son salon aux teintes crémeuses, l’obsession qui habite cet homme. Des chevaux partout: sculptés, peints, dessinés, photographiés, à bascule... On dirait un temple dédié aux divinités équestres. «C’est pareil dans mon bureau du Nouvel Obs», précise-t-il, sans doute habitué à ce que le visiteur laisse transparaître son étonnement devant cette hippomanie carabinée. «Mais ce n’est rien par rapport à ce qu’abrite notre maison en Normandie...»
A Paris, Jérôme Garcin dirige le service culturel du Nouvel Observateur, anime sur France Inter l’émission Le masque et la plume et pratique le métier de critique littéraire en s’efforçant de ne jamais devenir cet «expert en objets aimés» que raillait Julien Gracq. Puis, le vendredi soir, qu’il vente ou qu’il pleuve, il laisse Paris derrière lui et rejoint le verdoyant pays d’Auge où l’attendent ses chevaux. Aux bavardages de la vie parisienne succèdent les conversations silencieuses avec les équidés. Ses livres, Jérôme Garcin les médite longuement en selle, à travers les bocages: «Avant d’écrire, j’ai besoin de passer par cette étrange situation entre ciel et terre qu’offre l’altitude équestre.»
Le 21 avril 1973, son père meurt en chutant de cheval. Sur ce deuil s’est construite sa passion: de son commerce avec l’animal, le cavalier va tirer une morale qui contient aussi un art de vivre. On observe Jérôme Garcin assis dans son salon, le buste droit, les jambes élégamment croisées: il émane de sa personne le même délié, le même mélange de fermeté et de souplesse que l’on trouve dans son écriture.
C’est en Normandie qu’il a écrit les textes réunis dans Les livres ont un visage. Jérôme Garcin y arpente la province d’un pas tranquille, se promène à Saint-Florent-le-Vieil en compagnie de Julien Gracq, suit Jean-Marie Le Clézio sur des falaises bretonnes, visite Jules Roy à Vézelay et n’omet pas d’inscrire la Suisse romande sur la carte de ses pérégrinations: un texte décrit la mue du Jacques Chessex bachique en «oblat de Ropraz»; un autre, très émouvant, mène à La Chaux-de-Fonds où Jérôme Garcin rencontre Zouc.
Le métier de survivre. La confrontation avec la souffrance ou la vieillesse sont ici des thèmes récurrents. On assiste au naufrage de François Nourissier. On découvre un Sempé mélancolique, accroché à ses béquilles. Et l’on admire le tact frotté de tendresse avec lequel Jérôme Garcin restitue, sans l’adoucir, le drame de ces écrivains aux prises avec le métier de vivre ou de survivre: «Les vieilles personnes m’émeuvent terriblement parce que je les vois comme des miraculés. Je vis depuis mon enfance entouré de morts jeunes. A cause de la mort de mon frère jumeau Olivier, j’ai eu du mal à comprendre qu’un enfant pouvait vivre au-delà de 6 ans. Moi-même, quand j’ai dépassé les 45 ans, l’âge auquel mon père est mort, ça m’est apparu comme un miracle.»
Même si l’on y croise aussi le jeune Jonathan Littell dont on peut encore tout attendre, on retient surtout du livre la petite musique élégiaque qui s’en échappe. Un monde s’éteint, celui qu’habitaient des monstres sacrés, ces hautes figures de la littérature qu’ont pu incarner un René Char ou un Julien Gracq, et Jérôme Garcin en capture les dernières lueurs: «Quand je vais voir ces écrivains âgés, fatigués, conscients d’être au bout leur œuvre, j’éprouve aussi le besoin de recueillir ce qui me semble être des paroles testamentaires.» Jérôme Garcin s’interrompt un instant avant de poursuivre: «Au fond, j’ai simplement envie d’être là. Pourquoi? Parce qu’il m’a toujours manqué de ne pouvoir être présent quand mon père est mort? Je ne sais pas... Peut-être...»

Les livres ont un visage. De Jérôme Garcin. Mercure de France, 234 p.

samedi 17 janvier 2009

Bernard Pivot...sur la visite de Jerome Garcin

Au sujet de Jerome Garcin"Ligne de têtes" Bernard Pivot ..extrait

Après lecture du portrait de Julien Gracq, sur son "balcon en Anjou", j'éprouve le regret de n'avoir jamais fait le voyage. Gracq refusait d'écrire "le livre de trop". Il était resté combatif et ironique. La photographie de Jean Cocteau sur son lit de mort - "en habit, le bicorne sous le crucifix, l'épée sur les draps blancs" - l'avait dissuadé à jamais d'entrer à l'Académie française. "L'immortalité, ajouta-t-il, ce n'est guère que la permission pour quelques-uns de continuer à vieillir un peu une fois morts."


Bernard Pivot ..extrait