mardi 9 décembre 2008
Charmante histoire dans Ouest France ce jour...très représentative de Louis Poirier
De Gracq au Grac, en passant par Challain
Poncaral devant ses toiles, dans son centre d'art de Challain-la-Potherie, dans le Haut-Anjou. Poncaral devant ses toiles, dans son centre d'art de Challain-la-Potherie, dans le Haut-Anjou.
Un jour, cet ancien chef d'entreprise a tout plaqué pour devenir artiste. Quinze ans après, Poncaral ne regrette rien. Même s'il ne recommencerait pas...
A 50 ans, il a « pété les plombs ». Comme ça, d'un coup. C'était il y a quinze ans, après une énième réunion de boulot. Celui qui ne s'appelait pas encore Poncaral était un chef d'entreprise angevin. Dans un cabinet de design.
Le genre actif. Hyperactif, même. Embarqué dans une foultitude de projets. Avec la Chambre de commerce et d'industrie d'Angers, avec ses copains, chefs d'entreprise eux-aussi. Bref, un homme d'affaires.
Mais, on vous le dit, un jour, il a « pété les plombs ». « J'en avais marre, mais marre... Je suis rentré chez moi et j'ai tout plaqué. Ma femme avait sa propre affaire, mes enfants étaient grands, je me suis dit : il est temps. »
Temps de laisser la BMW et d'acheter une « deudeuche », « pour avoir moins de frais ». Temps de faire ce qu'il aime vraiment : peindre. Temps de se trouver un endroit pour abriter sa passion.
C'est comme ça qu'il a « atterri » chez l'écrivain Julien Gracq. Grande, immense figure de la littérature française, décédé en décembre 2007 et installé, à l'époque, à Saint-Florent-le-Vieil.
« Je voulais trouver un atelier, dans un endroit sympa. Un jour, je vois qu'un certain Louis Poirier cherchait quelqu'un pour occuper son studio. Je ne le connaissais pas. Je me présente, on discute et il me dit : « J'écris un peu, vous savez. Et je signe sous le nom de Julien Gracq... » »
« J'ai pris un risque épouvantable »
Poncaral croit à une blague. « Je lui dis qu'il risquait d'avoir des problèmes avec la Société des auteurs. Julien Gracq, il est connu... Il me regarde, sourit et me dit finalement : « Je suis Julien Gracq ». Je me suis retrouvé bête. Voilà comment nous nous sommes rencontrés. »
Leur relation aura duré quinze ans. Oh, ce n'était pas les grandes effusions. Les deux hommes sont discrets. Chacun dans son coin. « Mais il me faisait confiance. Me demandait parfois mon avis. On s'entendait bien. »
Chez Julien Gracq, Poncaral peint. Expose. Ici, là, ailleurs. Il commence à se faire un nom. En 2002, il crée le... Grac (Groupement des artistes contemporains). Avec des amis, des grosses pointures, comme Louis Laubignat, « l'un des plus grands sculpteurs du monde ». Ses toiles se vendent. « Au départ, je me suis donné dix ans pour vivre de ma peinture. » Pari réussi.
Aujourd'hui, il s'est installé à Challain-la-Potherie. « J'ai dû déménager après la mort de Julien Gracq. L'ancien presbytère de la commune m'a tapé dans l'oeil. » Poncaral y a créé un centre d'art (lire ci-dessous). Il est heureux.
Mais, à bien y réfléchir, si c'était à refaire... « Je crois que je ne recommencerais pas. J'ai pris un risque épouvantable. Je suis parti avec des idées toutes faites et au début, ça ne marchait pas. »
Mais l'ancien chef d'entreprise s'est accroché. Et il y est arrivé. De Gracq au Grac, en passant par Challain, Poncaral, c'est l'histoire d'un chef d'entreprise devenu peintre. Parce qu'un jour, il a « pété les plombs ».
Jean-Philippe NICOLEAU.
Ouest-France
Poncaral devant ses toiles, dans son centre d'art de Challain-la-Potherie, dans le Haut-Anjou. Poncaral devant ses toiles, dans son centre d'art de Challain-la-Potherie, dans le Haut-Anjou.
Un jour, cet ancien chef d'entreprise a tout plaqué pour devenir artiste. Quinze ans après, Poncaral ne regrette rien. Même s'il ne recommencerait pas...
A 50 ans, il a « pété les plombs ». Comme ça, d'un coup. C'était il y a quinze ans, après une énième réunion de boulot. Celui qui ne s'appelait pas encore Poncaral était un chef d'entreprise angevin. Dans un cabinet de design.
Le genre actif. Hyperactif, même. Embarqué dans une foultitude de projets. Avec la Chambre de commerce et d'industrie d'Angers, avec ses copains, chefs d'entreprise eux-aussi. Bref, un homme d'affaires.
Mais, on vous le dit, un jour, il a « pété les plombs ». « J'en avais marre, mais marre... Je suis rentré chez moi et j'ai tout plaqué. Ma femme avait sa propre affaire, mes enfants étaient grands, je me suis dit : il est temps. »
Temps de laisser la BMW et d'acheter une « deudeuche », « pour avoir moins de frais ». Temps de faire ce qu'il aime vraiment : peindre. Temps de se trouver un endroit pour abriter sa passion.
C'est comme ça qu'il a « atterri » chez l'écrivain Julien Gracq. Grande, immense figure de la littérature française, décédé en décembre 2007 et installé, à l'époque, à Saint-Florent-le-Vieil.
« Je voulais trouver un atelier, dans un endroit sympa. Un jour, je vois qu'un certain Louis Poirier cherchait quelqu'un pour occuper son studio. Je ne le connaissais pas. Je me présente, on discute et il me dit : « J'écris un peu, vous savez. Et je signe sous le nom de Julien Gracq... » »
« J'ai pris un risque épouvantable »
Poncaral croit à une blague. « Je lui dis qu'il risquait d'avoir des problèmes avec la Société des auteurs. Julien Gracq, il est connu... Il me regarde, sourit et me dit finalement : « Je suis Julien Gracq ». Je me suis retrouvé bête. Voilà comment nous nous sommes rencontrés. »
Leur relation aura duré quinze ans. Oh, ce n'était pas les grandes effusions. Les deux hommes sont discrets. Chacun dans son coin. « Mais il me faisait confiance. Me demandait parfois mon avis. On s'entendait bien. »
Chez Julien Gracq, Poncaral peint. Expose. Ici, là, ailleurs. Il commence à se faire un nom. En 2002, il crée le... Grac (Groupement des artistes contemporains). Avec des amis, des grosses pointures, comme Louis Laubignat, « l'un des plus grands sculpteurs du monde ». Ses toiles se vendent. « Au départ, je me suis donné dix ans pour vivre de ma peinture. » Pari réussi.
Aujourd'hui, il s'est installé à Challain-la-Potherie. « J'ai dû déménager après la mort de Julien Gracq. L'ancien presbytère de la commune m'a tapé dans l'oeil. » Poncaral y a créé un centre d'art (lire ci-dessous). Il est heureux.
Mais, à bien y réfléchir, si c'était à refaire... « Je crois que je ne recommencerais pas. J'ai pris un risque épouvantable. Je suis parti avec des idées toutes faites et au début, ça ne marchait pas. »
Mais l'ancien chef d'entreprise s'est accroché. Et il y est arrivé. De Gracq au Grac, en passant par Challain, Poncaral, c'est l'histoire d'un chef d'entreprise devenu peintre. Parce qu'un jour, il a « pété les plombs ».
Jean-Philippe NICOLEAU.
Ouest-France
mercredi 26 novembre 2008
Blog de Pierre Assouline:: Obama, Mitterand, Sarkozy...GRACQ
Obama, Mitterand, Sarkozy...GRACQ
Deux choses sont désormais acquises, au cas où l’on en aurait douté : le nouveau président des Etats-Unis lit des livres et des bons (c’est nouveau) et il a le sens de l’histoire (nouveau aussi). Quant à se glisser dans le costume de Roosevelt, 32 ème président des Etats-Unis (1933-1945) et homme providentiel du New Deal, on saura bientôt si ça suffit pour ramener la confiance. La courbe des ventes de livres sur FDR sera un indice à suivre en parallèle avec le Nasdaq. Cela dit, la photo de François Mitterrand en avion plongé dans En lisant en écrivant de Julien Gracq et les inélégantes attaques de Nicolas Sarkozy contre l’exquise princesse de Clèves n’ont pas fait bouger les ventes d’un iota.
Deux choses sont désormais acquises, au cas où l’on en aurait douté : le nouveau président des Etats-Unis lit des livres et des bons (c’est nouveau) et il a le sens de l’histoire (nouveau aussi). Quant à se glisser dans le costume de Roosevelt, 32 ème président des Etats-Unis (1933-1945) et homme providentiel du New Deal, on saura bientôt si ça suffit pour ramener la confiance. La courbe des ventes de livres sur FDR sera un indice à suivre en parallèle avec le Nasdaq. Cela dit, la photo de François Mitterrand en avion plongé dans En lisant en écrivant de Julien Gracq et les inélégantes attaques de Nicolas Sarkozy contre l’exquise princesse de Clèves n’ont pas fait bouger les ventes d’un iota.
lundi 24 novembre 2008
Joseph Vebret: Pierre Michon, Michel Chaillou,>>>> Julien Gracq
Des nantais revisités dans le nouvel Observateur Livres
Chaillou : « C'est en ce sens là que je diffère de Julien Gracq. Il représente une certaine noblesse de la prose, que j'admire par ailleurs, mais chaque écrivain a son propre itinéraire. Moi j'ai envie de desceller les gonds de la signification habituelle, d'exister dans le vol, l'effraction, le rapt, dans la manière hésitante d'entrer dans l'espace d'un récit en tâtonnant, comme un somnambule. Ne pas reconnaître d'abord, pour ensuite identifier et, dans l'instant de l'hésitation interrogative, saisir à pleines mains ce qui ensuite va m'échapper et qui fera un roman. » Michon : « [...] il y a une grande différence entre ce que font les barbichus [écrivains naturalistes du XIXe siècle], Gracq ou Bergounioux, et ce que je fais de mon côté. Eux n'emploient le glossaire exact qu'à bon escient, tandis que je l'utilise à ma fantaisie, et d'ailleurs de manière souvent métaphorique. S'ils se servent d'un terme de métier, d'un mot rare pour désigner un geste professionnel, c'est en sachant exactement comment ce geste se décompose, avec quel outil il est accompli, à quoi il sert, pourquoi on ne peut pas procéder autrement, etc. Moi j'utilise le mot par effraction, pour sa sonorité, parce qu'il fait image, ou parce qu'il atteindra violemment le lecteur. J'en fais un coup de poing, pas un acte intellectuel. »
Chaillou : « C'est en ce sens là que je diffère de Julien Gracq. Il représente une certaine noblesse de la prose, que j'admire par ailleurs, mais chaque écrivain a son propre itinéraire. Moi j'ai envie de desceller les gonds de la signification habituelle, d'exister dans le vol, l'effraction, le rapt, dans la manière hésitante d'entrer dans l'espace d'un récit en tâtonnant, comme un somnambule. Ne pas reconnaître d'abord, pour ensuite identifier et, dans l'instant de l'hésitation interrogative, saisir à pleines mains ce qui ensuite va m'échapper et qui fera un roman. » Michon : « [...] il y a une grande différence entre ce que font les barbichus [écrivains naturalistes du XIXe siècle], Gracq ou Bergounioux, et ce que je fais de mon côté. Eux n'emploient le glossaire exact qu'à bon escient, tandis que je l'utilise à ma fantaisie, et d'ailleurs de manière souvent métaphorique. S'ils se servent d'un terme de métier, d'un mot rare pour désigner un geste professionnel, c'est en sachant exactement comment ce geste se décompose, avec quel outil il est accompli, à quoi il sert, pourquoi on ne peut pas procéder autrement, etc. Moi j'utilise le mot par effraction, pour sa sonorité, parce qu'il fait image, ou parce qu'il atteindra violemment le lecteur. J'en fais un coup de poing, pas un acte intellectuel. »
Decembre 2007 Carnets d' Hubert Nyssen
Gracq s’était laissé tenter, il avait vu, puis il avait dit à Delvaux son admiration pour un film si différent du livre
Un signal m’avertit de l’arrivée d’un courriel. C’est Yves qui m’envoie une série de photos prises dans la vallée mosane où il habite, les unes par temps de brume, les autres par temps de givre et de lumière. Elles sont magnifiques, je les fais défiler sur l’écran, m’attarde sur certaines qui évoquent un monde à la Julien Gracq. Après, je vais au courriel qui les accompagne. Mais qu’est-ce qu’il raconte, Yves ? Il m’écrit que la mort de Gracq l’a consterné. Gracq n’est pas mort ! lui dirais-je s’il était devant moi. Sa phrase pourtant me trouble, elle met du désordre dans ma mémoire. Gracq serait-il mort cette année et ne l’aurais-je pas su ou l’aurais-je oublié ? Pour en avoir le cœur net je vais voir et là… une phrase se déplie sous mes yeux : “Auteur discret rétif aux honneurs, l'écrivain Julien Gracq est mort samedi à l'âge de 97 ans à Angers, dans le Maine-et-Loire.”
Françoise est passée, je lui ai parlé de Gracq, elle m’a parlé de Christian Bourgois. C’est le moment où l’on doit mettre les morts en place, comme me le rappelait souvent Max-Pol Fouchet. Françoise évoque la fidélité avec laquelle Christian, sitôt son stand monté au Salon du livre, venait nous voir achever le nôtre en nous parlant de la difficulté d’être encore éditeur de vraie littérature à notre époque. Moi, je me revois en compagnie d’André Delvaux me racontant que Gracq, qui refusait toujours que l’on adaptât ses romans à l’écran, lui avait permis d’y porter Le roi Cophétua, l’une des trois nouvelles composant La presqu’île, mais avait prévenu qu’il ne voulait ni voir le film ni en entendre parler. En 1971, André Delvaux avait achevé un long métrage raffiné, mystérieusement érotique, Rendez-vous à Bray. Gracq s’était laissé tenter, il avait vu, puis il avait dit à Delvaux son admiration pour un film si différent du livre et pourtant si fidèle à ce que, lui Gracq, avait voulu y dire.
Un signal m’avertit de l’arrivée d’un courriel. C’est Yves qui m’envoie une série de photos prises dans la vallée mosane où il habite, les unes par temps de brume, les autres par temps de givre et de lumière. Elles sont magnifiques, je les fais défiler sur l’écran, m’attarde sur certaines qui évoquent un monde à la Julien Gracq. Après, je vais au courriel qui les accompagne. Mais qu’est-ce qu’il raconte, Yves ? Il m’écrit que la mort de Gracq l’a consterné. Gracq n’est pas mort ! lui dirais-je s’il était devant moi. Sa phrase pourtant me trouble, elle met du désordre dans ma mémoire. Gracq serait-il mort cette année et ne l’aurais-je pas su ou l’aurais-je oublié ? Pour en avoir le cœur net je vais voir et là… une phrase se déplie sous mes yeux : “Auteur discret rétif aux honneurs, l'écrivain Julien Gracq est mort samedi à l'âge de 97 ans à Angers, dans le Maine-et-Loire.”
Françoise est passée, je lui ai parlé de Gracq, elle m’a parlé de Christian Bourgois. C’est le moment où l’on doit mettre les morts en place, comme me le rappelait souvent Max-Pol Fouchet. Françoise évoque la fidélité avec laquelle Christian, sitôt son stand monté au Salon du livre, venait nous voir achever le nôtre en nous parlant de la difficulté d’être encore éditeur de vraie littérature à notre époque. Moi, je me revois en compagnie d’André Delvaux me racontant que Gracq, qui refusait toujours que l’on adaptât ses romans à l’écran, lui avait permis d’y porter Le roi Cophétua, l’une des trois nouvelles composant La presqu’île, mais avait prévenu qu’il ne voulait ni voir le film ni en entendre parler. En 1971, André Delvaux avait achevé un long métrage raffiné, mystérieusement érotique, Rendez-vous à Bray. Gracq s’était laissé tenter, il avait vu, puis il avait dit à Delvaux son admiration pour un film si différent du livre et pourtant si fidèle à ce que, lui Gracq, avait voulu y dire.
Auditorium Julien Gracq
"Le gai savoir de Julien Gracq"
Théâtre Abbaye Auditorium Julien Gracq
- Auditorium Julien Gracq
rue Charles de Renéville
49410 - St Florent le Vieil
Tél. 02 41 75 38 34
E-mail : scenesdepays@paysdesmauges.fr
Organisateurs : Scenes de Pays dans les Mauges
Un moment magique pour partager l’œuvre de Julien Gracq avec deux acteurs délicats et sensibles.
Ce spectacle prendra toute son ampleur dans l'Auditorium de l'Abbaye, baptisé au nom de l'auteur : Julien Gracq.
Le gai savoir de Julien Gracq, mis en voix par Joël Jouanneau, compose un itinéraire à entrer au coeur de l’oeuvre de l’auteur.
Dans un décor épuré, deux comédiens de talent : Anne Caillère et Michel Bompoil nous invitent à partager les paroles de Julien Gracq, intégralement tirées de ses divers ouvrages.
Un parcours sensible pour (re)découvrir Les carnets du grand Chemin, Un balcon en forêt, Rivage des Syrthes...
Auteur : Julien Gracq
Metteur en scène : Joël Jouanneau
Interprète : Anne Caillère et Michel Bompas
Autre : Le Grand T - Cie l'Eldorado
Théâtre Abbaye Auditorium Julien Gracq
- Auditorium Julien Gracq
rue Charles de Renéville
49410 - St Florent le Vieil
Tél. 02 41 75 38 34
E-mail : scenesdepays@paysdesmauges.fr
Organisateurs : Scenes de Pays dans les Mauges
Un moment magique pour partager l’œuvre de Julien Gracq avec deux acteurs délicats et sensibles.
Ce spectacle prendra toute son ampleur dans l'Auditorium de l'Abbaye, baptisé au nom de l'auteur : Julien Gracq.
Le gai savoir de Julien Gracq, mis en voix par Joël Jouanneau, compose un itinéraire à entrer au coeur de l’oeuvre de l’auteur.
Dans un décor épuré, deux comédiens de talent : Anne Caillère et Michel Bompoil nous invitent à partager les paroles de Julien Gracq, intégralement tirées de ses divers ouvrages.
Un parcours sensible pour (re)découvrir Les carnets du grand Chemin, Un balcon en forêt, Rivage des Syrthes...
Auteur : Julien Gracq
Metteur en scène : Joël Jouanneau
Interprète : Anne Caillère et Michel Bompas
Autre : Le Grand T - Cie l'Eldorado
Site de la Région des pays de la LOIRE : Journées Gracq : tout l’esprit de la littérature
Journées Gracq : tout l’esprit de la littérature
Journées Gracq : tout l’esprit de la littérature
À partir du week-end du 22 et 23 novembre, les Pays de la Loire comptent une nouvelle manifestation culturelle de haute qualité. Saint-Florent-le-Vieil organise dorénavant d’annuelles journées littéraires, sous la figure tutélaire de Julien Gracq, et sous la houlette avisée de Jean Rouaud, un autre grand auteur de nos bords de Loire. Rencontre.
Jean Rouaud, quel est l’esprit de ces Journées Julien Gracq, que vous avez conçues ?
Ces rencontres ne sont pas consacrées à l’œuvre de Gracq, même si nous l’évoquerons évidemment, mais se veulent plutôt un écho contemporain à ses livres. Nous souhaitons, en fait, une ouverture à un public plus large que celui qui se serait passionné pour la seule exégèse de Gracq, en évitant ainsi de nous transformer en rencontres pour "happy few". Nous utiliserons une thématique de Gracq, une problématique qu’il avait abordée et qui reste d’actualité, pour proposer et animer de nouveaux débats. Nous avons ainsi programmé des rencontres sur quatre années, le temps d’un week-end, qui s’appuieront à chaque fois sur un titre phare de Gracq. Nous traiterons cette année de la "cuisine littéraire", autour de La littérature à l’estomac, en 2009 de "romanesque et romantisme" autour du Rivage des Syrtes, en 2010 d’"écrire la guerre" autour du Balcon en Forêt, et enfin en 2011 de "penser la littérature", autour de En lisant en écrivant.
Cette année, vous vous moquez de la "cuisine littéraire" ?
Nous nous inspirons, en effet, de La littérature à l’estomac (1949) qui est, à la fois, l’art poétique de Julien Gracq et sa réaction aux critiques que subit alors sa seule pièce de théâtre, Le Roi pêcheur. C’est donc aussi un pamphlet, qui va sans doute l’empêcher deux ans plus tard d’accepter le Goncourt… Nous allons éclairer en quoi ce livre est tout cela à la fois, mais aussi et surtout nous intéresser à aujourd’hui, voir où en est la critique de notre temps, pour souligner qu’elle continue d’oublier l’essentiel, c’est-à-dire l’idée même de la littérature. L’enjeu de nos débats est d’analyser, malgré des évolutions fortes qui font bouger les lignes — des libraires de moins en moins nombreux, l’apparition d’une nouvelle forme de critique qui ne s’appuie plus sur un grand titre de presse au travers des blogs notamment... — pourquoi les polémiques reviennent chaque année, pourquoi et comment le vieux système éditorial continue à patiner…
Pour porter ce regard, vous vous êtes assuré la participation de complices de haut vol…
Nous avons la chance, en effet, d’accueillir des acteurs en première ligne du monde de l’édition : Pierre Jourde qui nous parlera du fameux brûlot qu’il a écrit avec Eric Naulleau, les auteurs de blogs littéraires que sont Raphaël Sorin et Pierre Assouline, le journaliste Gilles Heuré de Télérama, et l'éditrice Sylvie Gracia des Editions du Rouergue. Avec celle-ci, nous évoquerons, en prenant l’exemple des Déferlantes, de Claudie Gallay, qu’elle publie, comment dans ce milieu qui se défait, se faufilent chaque année des livres qui échappent au pouvoir des médias, mais qui sont portés par le plus ancien des médias : le bouche à oreille.
Ces livres qui échappent au système semblent vous passionner ?
Ils sont assez révélateurs, je crois. Les Déferlantes aujourd’hui, L’Élégance du hérisson de Muriel Barbery, hier, sont des succès qui échappent à la tutelle de ceux qui s’arrogent le droit de juger, dans le petit monde des maisons d’édition et de la critique associées. Je suis content de revenir sur cette "part miraculeuse" de l’édition, d’en parler sous l’égide de Gracq qui lui-même avait été refusé par Gallimard avant d’être édité par José Corti, dans des conditions peu favorables. Il est passionnant d’écouter les résonances que portent ces livres qui n’échappent pas à l’édition, puisqu’ils sont publiés, mais qui échappent à la machine littéraire dont tout le monde sent bien qu’elle est bancale…
Journées Gracq : tout l’esprit de la littérature
À partir du week-end du 22 et 23 novembre, les Pays de la Loire comptent une nouvelle manifestation culturelle de haute qualité. Saint-Florent-le-Vieil organise dorénavant d’annuelles journées littéraires, sous la figure tutélaire de Julien Gracq, et sous la houlette avisée de Jean Rouaud, un autre grand auteur de nos bords de Loire. Rencontre.
Jean Rouaud, quel est l’esprit de ces Journées Julien Gracq, que vous avez conçues ?
Ces rencontres ne sont pas consacrées à l’œuvre de Gracq, même si nous l’évoquerons évidemment, mais se veulent plutôt un écho contemporain à ses livres. Nous souhaitons, en fait, une ouverture à un public plus large que celui qui se serait passionné pour la seule exégèse de Gracq, en évitant ainsi de nous transformer en rencontres pour "happy few". Nous utiliserons une thématique de Gracq, une problématique qu’il avait abordée et qui reste d’actualité, pour proposer et animer de nouveaux débats. Nous avons ainsi programmé des rencontres sur quatre années, le temps d’un week-end, qui s’appuieront à chaque fois sur un titre phare de Gracq. Nous traiterons cette année de la "cuisine littéraire", autour de La littérature à l’estomac, en 2009 de "romanesque et romantisme" autour du Rivage des Syrtes, en 2010 d’"écrire la guerre" autour du Balcon en Forêt, et enfin en 2011 de "penser la littérature", autour de En lisant en écrivant.
Cette année, vous vous moquez de la "cuisine littéraire" ?
Nous nous inspirons, en effet, de La littérature à l’estomac (1949) qui est, à la fois, l’art poétique de Julien Gracq et sa réaction aux critiques que subit alors sa seule pièce de théâtre, Le Roi pêcheur. C’est donc aussi un pamphlet, qui va sans doute l’empêcher deux ans plus tard d’accepter le Goncourt… Nous allons éclairer en quoi ce livre est tout cela à la fois, mais aussi et surtout nous intéresser à aujourd’hui, voir où en est la critique de notre temps, pour souligner qu’elle continue d’oublier l’essentiel, c’est-à-dire l’idée même de la littérature. L’enjeu de nos débats est d’analyser, malgré des évolutions fortes qui font bouger les lignes — des libraires de moins en moins nombreux, l’apparition d’une nouvelle forme de critique qui ne s’appuie plus sur un grand titre de presse au travers des blogs notamment... — pourquoi les polémiques reviennent chaque année, pourquoi et comment le vieux système éditorial continue à patiner…
Pour porter ce regard, vous vous êtes assuré la participation de complices de haut vol…
Nous avons la chance, en effet, d’accueillir des acteurs en première ligne du monde de l’édition : Pierre Jourde qui nous parlera du fameux brûlot qu’il a écrit avec Eric Naulleau, les auteurs de blogs littéraires que sont Raphaël Sorin et Pierre Assouline, le journaliste Gilles Heuré de Télérama, et l'éditrice Sylvie Gracia des Editions du Rouergue. Avec celle-ci, nous évoquerons, en prenant l’exemple des Déferlantes, de Claudie Gallay, qu’elle publie, comment dans ce milieu qui se défait, se faufilent chaque année des livres qui échappent au pouvoir des médias, mais qui sont portés par le plus ancien des médias : le bouche à oreille.
Ces livres qui échappent au système semblent vous passionner ?
Ils sont assez révélateurs, je crois. Les Déferlantes aujourd’hui, L’Élégance du hérisson de Muriel Barbery, hier, sont des succès qui échappent à la tutelle de ceux qui s’arrogent le droit de juger, dans le petit monde des maisons d’édition et de la critique associées. Je suis content de revenir sur cette "part miraculeuse" de l’édition, d’en parler sous l’égide de Gracq qui lui-même avait été refusé par Gallimard avant d’être édité par José Corti, dans des conditions peu favorables. Il est passionnant d’écouter les résonances que portent ces livres qui n’échappent pas à l’édition, puisqu’ils sont publiés, mais qui échappent à la machine littéraire dont tout le monde sent bien qu’elle est bancale…
Journées Gracq : La cuisine littéraire - Débats à 14h30 & 16h30 présentés par J. Rouaud
Journées Gracq : La cuisine littéraire - Débats à 14h30 & 16h30 présentés par J. Rouaud & animés par W. Persello + Concert-lecture à 20h30
De 14h à 22h // Les 22 & 23 novembre // Invité d'honneur : Jean Rouaud
Programme du samedi 22 novembre :
14H - Ouverture des Journées par Hervé de Charette et Jean Rouaud.
14H 30 - 16H - Débat : " La Littérature à l'estomac" - Présentation Jean Rouaud animé par Willy Persello
A quoi devons nous ce coup de sang du posé Julien Gracq? Etait-il justifié? S'est-il senti lié par son pamphlet au point de devoir refuser ensuite le Goncourt?
Avec Bernhild Boie, Pierre Jourde, Gilles Heuré, Jacques Boislève.
16H 30 - 18H - Débat: "La littérature sans estomac" - Présentation Jean Rouaud animé par Willy Persello
En 2002, Pierre Jourde et Eric Nolleau lançaient leur brûlot en se plaçant sous la haute autorité gracquienne pour tirer à bout portant sur les fausses valeurs littéraires. Le combat éternel ?
Avec Pierre Jourde, Eric Nolleau, J Marie Laclavetine, Gilles Heuré, Pierre Assouline.
18H30 : Cocktail
20H30 - 22H : Lecture - concert par les auteurs invités et le quatuor de Cefedem.
De 14h à 22h // Les 22 & 23 novembre // Invité d'honneur : Jean Rouaud
Programme du samedi 22 novembre :
14H - Ouverture des Journées par Hervé de Charette et Jean Rouaud.
14H 30 - 16H - Débat : " La Littérature à l'estomac" - Présentation Jean Rouaud animé par Willy Persello
A quoi devons nous ce coup de sang du posé Julien Gracq? Etait-il justifié? S'est-il senti lié par son pamphlet au point de devoir refuser ensuite le Goncourt?
Avec Bernhild Boie, Pierre Jourde, Gilles Heuré, Jacques Boislève.
16H 30 - 18H - Débat: "La littérature sans estomac" - Présentation Jean Rouaud animé par Willy Persello
En 2002, Pierre Jourde et Eric Nolleau lançaient leur brûlot en se plaçant sous la haute autorité gracquienne pour tirer à bout portant sur les fausses valeurs littéraires. Le combat éternel ?
Avec Pierre Jourde, Eric Nolleau, J Marie Laclavetine, Gilles Heuré, Pierre Assouline.
18H30 : Cocktail
20H30 - 22H : Lecture - concert par les auteurs invités et le quatuor de Cefedem.
Peut-être une solution pour la maison de Gracq dans Ouest France-Maine et Loire
samedi 22 novembre 2008
Peut-être une solution pour la maison de Gracq
La Région pourrait y implanter un « pôle de la lecture et de l'écriture », en liaison avec une maison des écrivains. Décision au début de 2009.
Le maire Hervé de Charette a réuni, hier soir, les élus de Saint-Florent-le-Vieil pour entériner l'achat d'objets ayant appartenu à Julien Gracq. La commune a exercé son droit de préemption sur des lots d'objets personnels de l'écrivain mis aux enchères à l'hôtel des ventes de Nantes, le mercredi 14 novembre. « C'est un effort qu'il fallait faire pour que le nom de Gracq reste attaché à Saint-Florent », explique le député-maire. Les « journées Gracq » qui débutent aujourd'hui à l'abbaye procèdent de cette même volonté.
Pas question de faire une pieuse exégèse des oeuvres de Gracq mais plutôt de réfléchir aux problématiques que l'auteur a soulevées dans son oeuvre. Ce week-end, des écrivains, des critiques évoqueront le thème, toujours d'actualité, de la « cuisine littéraire ». Dans les prochaines années on réfléchira sur de nouveaux thèmes : écrire la guerre, romantisme et romanesque, la littérature en miroir... » Un travail sérieux, professionnel et, en même temps, ouvert à des gens qui n'ont pas forcément lu Gracq ».
Objets, photos et lettres achetés
À Nantes, la municipalité de Saint-Florent-le-Vieil a exercé son droit de préemption sur des objets bien ciblés. Son but n'est pas de faire un musée consacré à Gracq : l'écrivain était opposé à cette idée. La ville a voulu acquérir son bureau parisien (celui de Saint-Florent est une modeste table), un fauteuil « club » en cuir convoité par le philosophe Régis Debray... S'ajoute à ces meubles une belle collection de photos, l'une réalisée par Doisneau, d'autres, prises en 1951, lorsque Julien Gracq a refusé le prix Goncourt pour Le Rivage des Syrtes.
La commune a tenu également à conserver des clichés plus intimes représentant Gracq et sa soeur Suzanne, ainsi que des lettres de la comédienne Edwige Feuillère, du metteur en scène Jean Vilar... Pour l'ensemble du lot la ville a dépensé 27 000 €.
Reste la question de la maison de Gracq et d'une dépendance où la gendarmerie avait pris place. Dans son testament, l'auteur avait émis le voeu que l'ensemble soit repris par la Fondation de France pour y aménager une résidence d'écrivains. Mais l'oeuvre a refusé le legs, faute de moyens. La commune de Saint-Florent-le-Vieil, qui en devient « l'ayant droit », s'efforce de trouver une solution. « Nous sommes en concertation avec l'État mais surtout avec la Région qui envisage de créer un pôle de la lecture et de l'écriture en association avec une maison des écrivains ». Hervé de Charette sait qu'il faudra faire vite : « La décision devra être prise au début de l'année 2009, sinon le legs reviendra à la famille ».
Michel CAILLARD.
Ouest-France
Peut-être une solution pour la maison de Gracq
La Région pourrait y implanter un « pôle de la lecture et de l'écriture », en liaison avec une maison des écrivains. Décision au début de 2009.
Le maire Hervé de Charette a réuni, hier soir, les élus de Saint-Florent-le-Vieil pour entériner l'achat d'objets ayant appartenu à Julien Gracq. La commune a exercé son droit de préemption sur des lots d'objets personnels de l'écrivain mis aux enchères à l'hôtel des ventes de Nantes, le mercredi 14 novembre. « C'est un effort qu'il fallait faire pour que le nom de Gracq reste attaché à Saint-Florent », explique le député-maire. Les « journées Gracq » qui débutent aujourd'hui à l'abbaye procèdent de cette même volonté.
Pas question de faire une pieuse exégèse des oeuvres de Gracq mais plutôt de réfléchir aux problématiques que l'auteur a soulevées dans son oeuvre. Ce week-end, des écrivains, des critiques évoqueront le thème, toujours d'actualité, de la « cuisine littéraire ». Dans les prochaines années on réfléchira sur de nouveaux thèmes : écrire la guerre, romantisme et romanesque, la littérature en miroir... » Un travail sérieux, professionnel et, en même temps, ouvert à des gens qui n'ont pas forcément lu Gracq ».
Objets, photos et lettres achetés
À Nantes, la municipalité de Saint-Florent-le-Vieil a exercé son droit de préemption sur des objets bien ciblés. Son but n'est pas de faire un musée consacré à Gracq : l'écrivain était opposé à cette idée. La ville a voulu acquérir son bureau parisien (celui de Saint-Florent est une modeste table), un fauteuil « club » en cuir convoité par le philosophe Régis Debray... S'ajoute à ces meubles une belle collection de photos, l'une réalisée par Doisneau, d'autres, prises en 1951, lorsque Julien Gracq a refusé le prix Goncourt pour Le Rivage des Syrtes.
La commune a tenu également à conserver des clichés plus intimes représentant Gracq et sa soeur Suzanne, ainsi que des lettres de la comédienne Edwige Feuillère, du metteur en scène Jean Vilar... Pour l'ensemble du lot la ville a dépensé 27 000 €.
Reste la question de la maison de Gracq et d'une dépendance où la gendarmerie avait pris place. Dans son testament, l'auteur avait émis le voeu que l'ensemble soit repris par la Fondation de France pour y aménager une résidence d'écrivains. Mais l'oeuvre a refusé le legs, faute de moyens. La commune de Saint-Florent-le-Vieil, qui en devient « l'ayant droit », s'efforce de trouver une solution. « Nous sommes en concertation avec l'État mais surtout avec la Région qui envisage de créer un pôle de la lecture et de l'écriture en association avec une maison des écrivains ». Hervé de Charette sait qu'il faudra faire vite : « La décision devra être prise au début de l'année 2009, sinon le legs reviendra à la famille ».
Michel CAILLARD.
Ouest-France
Jean Rouaud...grand amateur de Gracq ???
Je me souviens que Jean Rouaud , en 1999, n'était pas spécialement amateur de Julien Gracq... qu'en a t-il dit à Saint-Florent le Viel en 2008 ???
Dans Ouest France- maine et Loire La « tambouille littéraire » aux Journées Gracq
lundi 24 novembre 2008
La « tambouille littéraire » aux Journées Gracq
Jean Rouaud, concepteur des journées Gracq, peut être satisfait. Les débats étaient de qualité et l'auditorium de l'abbaye a fait salle comble.
Pendant deux jours des écrivains, éditeurs, universitaires ont débattu à Saint-Florent-le-Vieil sur le monde des lettres à partir de La littérature sans estomac de Gracq.
Passionnantes de bout en bout. Les premières journées Gracq se sont déroulées ce week-end, à Saint-Florent-le-Vieil, sous la direction de l'écrivain Jean Rouaud. En référence au pamphlet de Julien Gracq La littérature à l'Estomac et à son refus du prix Goncourt en 1951, il était tentant de parler de la cuisine littéraire. Ce que n'ont pas manqué de faire, Jean Rouaud, bien sûr, mais aussi Pierre Assouline, Raphaël Sorin, Pierre Jourde et quelques autres...
Plus de 7 000 manuscrits, chaque année, chez Gallimard. Représentant des éditions Gallimard aux Journées Gracq, Jean-Marie Laclavetine a été sur la sellette. La prestigieuse maison d'édition parisienne a beaucoup de choses à se faire pardonner, ne serait-ce que son succès ! Laclavetine confirme que Gallimard reçoit environ 7 000 ou 8 000 manuscrits par la poste. Comme partout, neuf sur dix sont éliminés par un « premier filtre ». Sylvie Gracia en témoigne, aux éditions du Rouergue, reprises par Acte Sud, les arrivées sont plus modestes : 1 200 livres par an. Dans cette masse d'écrits, la perle rare apparaît parfois : Les déferlantes de Claudie Gallay connaît un succès inattendu. Pour Raphaël Sorin, vieux routier de l'édition, « le comité de lecture est un alibi qui permet d'éliminer un manuscrit ».
Les prix littéraires : magouilles et compagnies. En 1990, Jean Rouaud a obtenu le Prix Goncourt contre toute attente. C'est Philippe Labro qui devait l'obtenir pour de raisons qui n'étaient pas toutes littéraires. Selon les participants au débat, les prix sont souvent décernés à la suite de magouilles entre les principales maisons d'édition. « Je trouve cela dégoûtant, déprimant, commente Jean-Marie Laclavetine. Mais ce n'est qu'une petite partie du travail de l'éditeur. »
Gracq aussi. L'édition, monde impitoyable ?Ce n'est pas nouveau. Gracq a dû payer pour la publication de son premier livre chez Corti. Auparavant, Gallimard l'avait refusé. Après guerre, Jean Paulhan lui a expliqué, de manière peu élégante, qu'un membre du comité de lecture, mort en déportation, avait écarté son manuscrit. « L'édition est aussi une industrie... », souligne Jean Rouaud.
A méditer en se baladant sur la nouvelle promenade Julien-Gracq superbement aménagée en bordure de Loire à Saint-Florent-le-Vieil.
Michel CAILLARD.
La « tambouille littéraire » aux Journées Gracq
Jean Rouaud, concepteur des journées Gracq, peut être satisfait. Les débats étaient de qualité et l'auditorium de l'abbaye a fait salle comble.
Pendant deux jours des écrivains, éditeurs, universitaires ont débattu à Saint-Florent-le-Vieil sur le monde des lettres à partir de La littérature sans estomac de Gracq.
Passionnantes de bout en bout. Les premières journées Gracq se sont déroulées ce week-end, à Saint-Florent-le-Vieil, sous la direction de l'écrivain Jean Rouaud. En référence au pamphlet de Julien Gracq La littérature à l'Estomac et à son refus du prix Goncourt en 1951, il était tentant de parler de la cuisine littéraire. Ce que n'ont pas manqué de faire, Jean Rouaud, bien sûr, mais aussi Pierre Assouline, Raphaël Sorin, Pierre Jourde et quelques autres...
Plus de 7 000 manuscrits, chaque année, chez Gallimard. Représentant des éditions Gallimard aux Journées Gracq, Jean-Marie Laclavetine a été sur la sellette. La prestigieuse maison d'édition parisienne a beaucoup de choses à se faire pardonner, ne serait-ce que son succès ! Laclavetine confirme que Gallimard reçoit environ 7 000 ou 8 000 manuscrits par la poste. Comme partout, neuf sur dix sont éliminés par un « premier filtre ». Sylvie Gracia en témoigne, aux éditions du Rouergue, reprises par Acte Sud, les arrivées sont plus modestes : 1 200 livres par an. Dans cette masse d'écrits, la perle rare apparaît parfois : Les déferlantes de Claudie Gallay connaît un succès inattendu. Pour Raphaël Sorin, vieux routier de l'édition, « le comité de lecture est un alibi qui permet d'éliminer un manuscrit ».
Les prix littéraires : magouilles et compagnies. En 1990, Jean Rouaud a obtenu le Prix Goncourt contre toute attente. C'est Philippe Labro qui devait l'obtenir pour de raisons qui n'étaient pas toutes littéraires. Selon les participants au débat, les prix sont souvent décernés à la suite de magouilles entre les principales maisons d'édition. « Je trouve cela dégoûtant, déprimant, commente Jean-Marie Laclavetine. Mais ce n'est qu'une petite partie du travail de l'éditeur. »
Gracq aussi. L'édition, monde impitoyable ?Ce n'est pas nouveau. Gracq a dû payer pour la publication de son premier livre chez Corti. Auparavant, Gallimard l'avait refusé. Après guerre, Jean Paulhan lui a expliqué, de manière peu élégante, qu'un membre du comité de lecture, mort en déportation, avait écarté son manuscrit. « L'édition est aussi une industrie... », souligne Jean Rouaud.
A méditer en se baladant sur la nouvelle promenade Julien-Gracq superbement aménagée en bordure de Loire à Saint-Florent-le-Vieil.
Michel CAILLARD.
vendredi 21 novembre 2008
Disque...
Site de l'INA
Ces deux séries d'entretiens ne feront pas mentir la légende d'un Julien Gracq, aussi secret qu'il est célèbre. Chez lui, à Saint Florent le Vieil, il répond aux questions de Jean Paget en 1969 et de Jean Daive en 1977.
Ces deux séries d'entretiens ne feront pas mentir la légende d'un Julien Gracq, aussi secret qu'il est célèbre. Chez lui, à Saint Florent le Vieil, il répond aux questions de Jean Paget en 1969 et de Jean Daive en 1977.
samedi 15 novembre 2008
L'Etat s'offre une partie des biens de Julien Gracq
L'Etat s'offre une partie des biens de Julien Gracq
LE MONDE | 14.11.08 | 16h01
NANTES ENVOYÉ SPÉCIAL
Julien Gracq était un passionné d'échecs, mais jouait sur un échiquier en plastique. Mercredi 12 novembre, cet échiquier a été acquis par un particulier à la salle des ventes de Nantes, où étaient dispersés les livres, correspondances, tableaux et mobiliers, ayant appartenu à l'écrivain, mort le 22 décembre 2007. Des biens retrouvés dans son appartement parisien et dans la maison de ses parents, devenue la sienne, à Saint-Florent-le-Vieil (Maine-et-Loire).
L'Etat a préempté 70 lots, notamment le livret scolaire brillant de l'élève Lucien Poirier (le nom d'état civil de l'écrivain) au lycée Clemenceau de Nantes. Il ira enrichir le fonds de la ville
Avec le peintre René Magritte, Juien Gracq échangeait "des coups" aux échecs. "J'espère qu'un jour nous aurons peut-être l'occasion de jouer ensemble, sans l'interminable recours à la correspondance", lui écrivait l'artiste belge. Les lettres avec dessins, réparties en quatre lots, adressées à l'écrivain, ont atteint la somme record de 133 000 €.
Homme méthodique, Julien Gracq avait réglé sa succession par testament. Il a légué l'ensemble de ses manuscrits et carnets, qui ont été remis le 16 octobre à la Bibliothèque nationale de France (BNF). Il a aussi fait don de ses biens immobiliers, mais il fallait vider les lieux. Ce sont des cousins qui se sont retrouvés légataires des biens pour lesquels il n'avait pas désigné d'acquéreur. Qualifiée d'"unique et exceptionnelle" par Me Veyrac, l'un des deux commissaires-priseurs qui l'organisait, la vente a rapporté un peu plus de 700 000 €.
LETTRES D'ANDRÉ BRETON
L'abondante correspondance reçue par Julien Gracq formait le clou de la vente, notamment les lettres d'André Breton. Elles ont atteint 75 000 € avant d'être préemptées par la Bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, déjà détentrice des lettres que Gracq avait adressées au chef de file du surréalisme. Un exemplaire de l'édition originale du Rivage des Syrtes a atteint 37 000 €. La lettre adressée par Colette, présidente de l'Académie Goncourt, pour lui annoncer qu'il avait reçu le prix Goncourt - refusé par Gracq - a été vendue 21 000 €.
Alain Beuve-Méry
mercredi 12 novembre 2008
Mediapart ce soir: Le grenier de Monsieur Poirier
Le grenier de Monsieur Poirier
12 nov 2008Par Anne Guérin-Castell
Le train longe la Loire qui ce matin a noyé ses îles. Une ligne bleue serpentine couvre les pages du cahier posé devant moi.
« Pardon Madame, vous êtes écrivain ? » Visage ouvert, regard droit, il n’a pas trente ans. Je ris.
– Non, pas du tout.
– Parce que je vous vois écrire, depuis tout à l’heure. Alors, vous écrivez pour vous ?
– Oui, la plupart du temps.
– Et vous emportez toujours ce cahier avec vous ?
– Oui. Vous voyez, il y a un peu de tout. Et de toutes les couleurs aussi. Quand le cahier est plein, j’en commence un autre.
De mes histoires de cahiers, qui l’intéressent beaucoup, nous passons naturellement aux raisons de notre présence dans ce train. Quand je lui apprends que je vais à Nantes pour voir une exposition d’objets ayant appartenu à un écrivain, son visage s’éclaire encore davantage. Un enfant devant son premier arbre de Noël.
Julien Gracq ? Il n’en a jamais entendu parler. Il lit surtout des BD. Si, peut-être, très vaguement, une fois. >>>>>>Le grenier de ...
12 nov 2008Par Anne Guérin-Castell
Le train longe la Loire qui ce matin a noyé ses îles. Une ligne bleue serpentine couvre les pages du cahier posé devant moi.
« Pardon Madame, vous êtes écrivain ? » Visage ouvert, regard droit, il n’a pas trente ans. Je ris.
– Non, pas du tout.
– Parce que je vous vois écrire, depuis tout à l’heure. Alors, vous écrivez pour vous ?
– Oui, la plupart du temps.
– Et vous emportez toujours ce cahier avec vous ?
– Oui. Vous voyez, il y a un peu de tout. Et de toutes les couleurs aussi. Quand le cahier est plein, j’en commence un autre.
De mes histoires de cahiers, qui l’intéressent beaucoup, nous passons naturellement aux raisons de notre présence dans ce train. Quand je lui apprends que je vais à Nantes pour voir une exposition d’objets ayant appartenu à un écrivain, son visage s’éclaire encore davantage. Un enfant devant son premier arbre de Noël.
Julien Gracq ? Il n’en a jamais entendu parler. Il lit surtout des BD. Si, peut-être, très vaguement, une fois. >>>>>>Le grenier de ...
Les enchères s'envolent pour la vente Julien Gracq, à Nantes dans Ouest France
6:09 - mercredi 12 novembre 2008
Les enchères s'envolent pour la vente Julien Gracq, à Nantes
Les biens de Julien Gracq sont actuellement dispersés aux enchères à l'hôtel des ventes Couton et Veyrac, à Nantes, devant un public de plus de 400 personnes. Salle comble donc et des prix qui montent très rapidement, notamment pour les livres et la correspondance de l'écrivain. L'édition originale du Rivage des Syrtes, pour lequel l'écrivain avait refusé le prix Goncourt en 1951, est ainsi partie à 37 000 euros. Quant à la correspondance d'André Breton à Julien Gracq, elle a été adjugée 75 000 euros.
Les enchères s'envolent pour la vente Julien Gracq, à Nantes
Les biens de Julien Gracq sont actuellement dispersés aux enchères à l'hôtel des ventes Couton et Veyrac, à Nantes, devant un public de plus de 400 personnes. Salle comble donc et des prix qui montent très rapidement, notamment pour les livres et la correspondance de l'écrivain. L'édition originale du Rivage des Syrtes, pour lequel l'écrivain avait refusé le prix Goncourt en 1951, est ainsi partie à 37 000 euros. Quant à la correspondance d'André Breton à Julien Gracq, elle a été adjugée 75 000 euros.
Ouest France>>Vente Gracq : autour de 800 000 euros
21:19 - mercredi 12 novembre 2008
Vente Gracq : autour de 800 000 euros
La vente des biens de l'écrivain Julien Gracq a atteint des sommets, hier à Nantes avec plus de 800 000 euros d'enchères. Dont 75 000 pour la correspondance avec André Breton, préemptée par la bibliothèque Jacques-Doucet, de l'Institut national d'art et d'histoire, à Paris. De nombreuses pièces ont ainsi fait l'objet de préemption de la part de l'Etat, pour le compte de la ville de Nantes (ouvrages de Breton dédicacés à Gracq, livret solaire de l'écrivain...), la ville de Saint-Florent-le-Vieil et l'Université d'Angers.
Vente Gracq : autour de 800 000 euros
La vente des biens de l'écrivain Julien Gracq a atteint des sommets, hier à Nantes avec plus de 800 000 euros d'enchères. Dont 75 000 pour la correspondance avec André Breton, préemptée par la bibliothèque Jacques-Doucet, de l'Institut national d'art et d'histoire, à Paris. De nombreuses pièces ont ainsi fait l'objet de préemption de la part de l'Etat, pour le compte de la ville de Nantes (ouvrages de Breton dédicacés à Gracq, livret solaire de l'écrivain...), la ville de Saint-Florent-le-Vieil et l'Université d'Angers.
Raphael SORIN : La dispersion de Julien Gracq et "sur Nantes"
Le blog de Raphael Sorin11/11/2008
La dispersion de Julien Gracq
Nantes est la ville des coïncidences, lourde de signes et de rêves, toujours surprenante.
J’y retourne souvent, accompagné de fantômes. Jacques Vaché m’attend place Graslin.
Jules Verne rôde rue de la Fosse. Maurice Fourré, Jacques Demy, Charles Monselet, Benjamin Péret, et beaucoup d’autres, voisinent avec les statues de femmes du passage Pommeraye, à deux pas de la Cigale, la plus belle brasserie d’Europe.
Aussi est-ce sans étonnement que le 10 novembre, à midi, une heure avant la proclamation chez Drouant du dernier Goncourt, je me suis retrouvé dans les meubles de Julien Gracq, l’auteur d’un texte implacable, La littérature à l’estomac, dirigé contre la farce humiliante des prix littéraires. Non, je n’étais pas chez lui, rue de Grenelle à Paris, ou dans son village de Saint-Florent-le-Vieil, mais au 10 rue de la Miséricorde, dans l’antre nantais des commissaires-priseurs Couton & Veyrac, chargés par des héritiers «collatéraux» de disperser les livres, les correspondances, les tableaux et le mobilier de l’écrivain.
Tout aura changé de mains le 12 novembre après-midi. C’était donc la dernière fois que l’on pouvait examiner les pauvres biens d’un homme qualifié d’enchanteur et de voyant.
Il fallait l’être, voyant, pour supporter de vivre entouré d’un mobilier aussi hideux ! J’ai touché du doigt, comme pour en exorciser la laideur, un poste TSF Gramophone, un meuble en bois naturel de style néo-breton, un perroquet en bois (très convoité par une vieille dame qui négligeait les dessins de Derain, Pascin ou La Fresnaye proposés à la vente), un lampadaire tripode en fer forgé. En revanche, comment ne pas convoiter le bureau des années cinquante, son bureau, choisi par lui ? «Très demandé», me souffla un des jeunes assistants de l’officine.
Puis j’ai détourné mon regard de ces reliques dépourvues de charme pour m’intéresser aux correspondances. Le catalogue de la vente en reproduit certaines. On se régale. Jean Paulhan, alors que Gallimard avait refusé Au château d’Argol, paru en 1939, chez Corti, essaie de corriger le tir à sa façon, pateline : «Peut-être est-il bon qu’une vieille maison ait de ces erreurs, Proust, Gracq, sur la conscience. Si vous êtes sans rancune, promettez-nous votre prochain roman.» On sait que Gracq finit par tout céder à la Pléiade. Les lettres de Colette, d’André Breton, de Jacques Chardonne, de René Char, de Pompidou, de René Magritte, sont passionnantes. Elles répondent à la réputation intimidante de celui auquel elles s’adressent, qui fut moins isolé qu’on l’a dit.
Et, tout en jetant rapidement un œil aux livres de sa bibliothèque, rares ou ordinaires, j’ai éprouvé un dégoût soudain, une grande tristesse, de la voir ainsi éparpillée, démembrée.
Finalement, ce qu’il y avait, selon moi, de plus digne d’être sauvé n’a aucune valeur commerciale. Il s’agit de vieilles valises remplies de livres scolaires, sorties d’un grenier, avec ses manuels, des classiques, le véritable Rosebud de l’œuvre, la matrice des rêveries érotiques et héroïques d’un petit prof qui inspira à sa manière des femmes aussi exaltées que Sunsiaré de Larcône (morte avec Roger Nimier) ou Suzanne Lilar
La dispersion de Julien Gracq
Nantes est la ville des coïncidences, lourde de signes et de rêves, toujours surprenante.
J’y retourne souvent, accompagné de fantômes. Jacques Vaché m’attend place Graslin.
Jules Verne rôde rue de la Fosse. Maurice Fourré, Jacques Demy, Charles Monselet, Benjamin Péret, et beaucoup d’autres, voisinent avec les statues de femmes du passage Pommeraye, à deux pas de la Cigale, la plus belle brasserie d’Europe.
Aussi est-ce sans étonnement que le 10 novembre, à midi, une heure avant la proclamation chez Drouant du dernier Goncourt, je me suis retrouvé dans les meubles de Julien Gracq, l’auteur d’un texte implacable, La littérature à l’estomac, dirigé contre la farce humiliante des prix littéraires. Non, je n’étais pas chez lui, rue de Grenelle à Paris, ou dans son village de Saint-Florent-le-Vieil, mais au 10 rue de la Miséricorde, dans l’antre nantais des commissaires-priseurs Couton & Veyrac, chargés par des héritiers «collatéraux» de disperser les livres, les correspondances, les tableaux et le mobilier de l’écrivain.
Tout aura changé de mains le 12 novembre après-midi. C’était donc la dernière fois que l’on pouvait examiner les pauvres biens d’un homme qualifié d’enchanteur et de voyant.
Il fallait l’être, voyant, pour supporter de vivre entouré d’un mobilier aussi hideux ! J’ai touché du doigt, comme pour en exorciser la laideur, un poste TSF Gramophone, un meuble en bois naturel de style néo-breton, un perroquet en bois (très convoité par une vieille dame qui négligeait les dessins de Derain, Pascin ou La Fresnaye proposés à la vente), un lampadaire tripode en fer forgé. En revanche, comment ne pas convoiter le bureau des années cinquante, son bureau, choisi par lui ? «Très demandé», me souffla un des jeunes assistants de l’officine.
Puis j’ai détourné mon regard de ces reliques dépourvues de charme pour m’intéresser aux correspondances. Le catalogue de la vente en reproduit certaines. On se régale. Jean Paulhan, alors que Gallimard avait refusé Au château d’Argol, paru en 1939, chez Corti, essaie de corriger le tir à sa façon, pateline : «Peut-être est-il bon qu’une vieille maison ait de ces erreurs, Proust, Gracq, sur la conscience. Si vous êtes sans rancune, promettez-nous votre prochain roman.» On sait que Gracq finit par tout céder à la Pléiade. Les lettres de Colette, d’André Breton, de Jacques Chardonne, de René Char, de Pompidou, de René Magritte, sont passionnantes. Elles répondent à la réputation intimidante de celui auquel elles s’adressent, qui fut moins isolé qu’on l’a dit.
Et, tout en jetant rapidement un œil aux livres de sa bibliothèque, rares ou ordinaires, j’ai éprouvé un dégoût soudain, une grande tristesse, de la voir ainsi éparpillée, démembrée.
Finalement, ce qu’il y avait, selon moi, de plus digne d’être sauvé n’a aucune valeur commerciale. Il s’agit de vieilles valises remplies de livres scolaires, sorties d’un grenier, avec ses manuels, des classiques, le véritable Rosebud de l’œuvre, la matrice des rêveries érotiques et héroïques d’un petit prof qui inspira à sa manière des femmes aussi exaltées que Sunsiaré de Larcône (morte avec Roger Nimier) ou Suzanne Lilar
Ouest France : Avec Pierre Michon sur les traces de Julien Gracq par Daniel Morvan
Pays de la Loire
mardi 11 novembre 2008
Avec Pierre Michon sur les traces de Julien Gracq
L'écrivain nantais Pierre Michon découvre l'original d'une lettre historique : celle adressée par André Breton à Julien Gracq, après la publication d'« Au château d'Argol ». Pièce maîtresse de la vente du 12 novembre.
La succession Julien Gracq est dispersée, demain, à Nantes. À la veille des enchères, nous visitons l'exposition en compagnie de l'écrivain nantais Pierre Michon.
« Oh, cette photo ! Julien Gracq en gondole à Venise ! Avec son amie Nora Mitrani et André Pieyre de Mandiargues, qui avait une maison là-bas. Gracq en parle dans ses carnets : Nora et moi, allions acheter du calamar au marché de Venise. »
Visiter en solo la vente Gracq : Il a fallu cet appât pour extraire Pierre Michon de l'écriture de son prochain livre. Levé chaque jour à 5 h, il y travaille d'arrache-pied. Mais pour Gracq, il sort de sa chambre d'écrivain, à Nantes.
Henri Veyrac, le commissaire-priseur, l'accueille comme un prince des lettres. Le conduit immédiatement devant le talisman, la lettre d'André Breton, celle du 13 mai 1939, où le poète dit son admiration pour Gracq et son Château d'Argol. « Oui, c'est bien l'encre bleue des mers du sud qu'utilisait Breton. »
Son héros littéraire
La vente est constituée de trois cents lots, meubles, photos, livres, tableaux, lettres (lire Ouest-France du 8 novembre). On y touche du doigt les grandes amitiés littéraires. Connues, celle d'Ernst Jünger, « son héros littéraire », (photographié avec un épervier sur l'épaule), moins connues (Mauriac, Malraux, Queffélec ou Colette).
Lunettes sur le front, Michon furète comme le truffier, d'un chêne à l'autre. La vente n'a pourtant rien de flamboyant : « A Saint-Florent-le-Vieil, il s'est installé dans les meubles de ses parents, sans rien toucher », note Henri Veyrac. Le fauteuil où il installait ses visiteurs est resté aux héritiers. Un portrait de Gracq par Hans Bellmer a été légué à ses premiers exégètes universitaires.
De l'appartement parisien, on conserve un bureau, une chambre à coucher. Un moine chartreux l'aurait trouvé austère. Rien de ce qu'on attendrait d'un écrivain de la mouvance surréaliste : « Le fonds de commerce des surréalistes, rappelle Michon, c'est le marché aux puces et les échanges de tableaux et de dessins. Or Gracq ne collectionnait rien. »
La photo du prix Goncourt qu'il a refusé
Parmi des portraits, la photo du prix Goncourt refusé amuse Michon : « Regarde, il s'allume une clope, elle est jolie cette photo. Au fond, Gracq est une grande coquette : il a le Goncourt et le refuse. Le beurre et l'argent du beurre, quoi ! »
Se scandaliser de cette vente ? Pas Michon : « Rien n'est mis à l'encan de la vie privée, il n'y a pas de lettres sentimentales. » Seuls quelques objets touchants rappellent que lorsque grandissait la stature de Julien Gracq, Louis Poirier vivait toujours caché.
De l'enfance, un carnet de notes du lycée de Nantes montre l'élève brillant, « d'élite ». Son appareil photo, un Contessa Zeiss et toutes ses diapos : New York, le Montana... Gracq photographe ? Allez savoir.
Michon flaire les livres, les dédicaces, prend des images avec son téléphone portable. « Je me demande s'il avait gardé le livre que je lui avais envoyé, La Grande Beune. J'avais reçu une belle lettre de lui. Maintenant, je regrette un peu de n'être pas allé le voir. »
Daniel MORVAN.
Vente Gracq, mercredi 12 novembre à 14 h, chez Maîtres Couton & Veyrac, 8-10, rue de Miséricorde, à Nantes. Exposition publique ce mardi 11 novembre de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h, mercredi 12 de 9 h à 11 h.
mardi 11 novembre 2008
Avec Pierre Michon sur les traces de Julien Gracq
L'écrivain nantais Pierre Michon découvre l'original d'une lettre historique : celle adressée par André Breton à Julien Gracq, après la publication d'« Au château d'Argol ». Pièce maîtresse de la vente du 12 novembre.
La succession Julien Gracq est dispersée, demain, à Nantes. À la veille des enchères, nous visitons l'exposition en compagnie de l'écrivain nantais Pierre Michon.
« Oh, cette photo ! Julien Gracq en gondole à Venise ! Avec son amie Nora Mitrani et André Pieyre de Mandiargues, qui avait une maison là-bas. Gracq en parle dans ses carnets : Nora et moi, allions acheter du calamar au marché de Venise. »
Visiter en solo la vente Gracq : Il a fallu cet appât pour extraire Pierre Michon de l'écriture de son prochain livre. Levé chaque jour à 5 h, il y travaille d'arrache-pied. Mais pour Gracq, il sort de sa chambre d'écrivain, à Nantes.
Henri Veyrac, le commissaire-priseur, l'accueille comme un prince des lettres. Le conduit immédiatement devant le talisman, la lettre d'André Breton, celle du 13 mai 1939, où le poète dit son admiration pour Gracq et son Château d'Argol. « Oui, c'est bien l'encre bleue des mers du sud qu'utilisait Breton. »
Son héros littéraire
La vente est constituée de trois cents lots, meubles, photos, livres, tableaux, lettres (lire Ouest-France du 8 novembre). On y touche du doigt les grandes amitiés littéraires. Connues, celle d'Ernst Jünger, « son héros littéraire », (photographié avec un épervier sur l'épaule), moins connues (Mauriac, Malraux, Queffélec ou Colette).
Lunettes sur le front, Michon furète comme le truffier, d'un chêne à l'autre. La vente n'a pourtant rien de flamboyant : « A Saint-Florent-le-Vieil, il s'est installé dans les meubles de ses parents, sans rien toucher », note Henri Veyrac. Le fauteuil où il installait ses visiteurs est resté aux héritiers. Un portrait de Gracq par Hans Bellmer a été légué à ses premiers exégètes universitaires.
De l'appartement parisien, on conserve un bureau, une chambre à coucher. Un moine chartreux l'aurait trouvé austère. Rien de ce qu'on attendrait d'un écrivain de la mouvance surréaliste : « Le fonds de commerce des surréalistes, rappelle Michon, c'est le marché aux puces et les échanges de tableaux et de dessins. Or Gracq ne collectionnait rien. »
La photo du prix Goncourt qu'il a refusé
Parmi des portraits, la photo du prix Goncourt refusé amuse Michon : « Regarde, il s'allume une clope, elle est jolie cette photo. Au fond, Gracq est une grande coquette : il a le Goncourt et le refuse. Le beurre et l'argent du beurre, quoi ! »
Se scandaliser de cette vente ? Pas Michon : « Rien n'est mis à l'encan de la vie privée, il n'y a pas de lettres sentimentales. » Seuls quelques objets touchants rappellent que lorsque grandissait la stature de Julien Gracq, Louis Poirier vivait toujours caché.
De l'enfance, un carnet de notes du lycée de Nantes montre l'élève brillant, « d'élite ». Son appareil photo, un Contessa Zeiss et toutes ses diapos : New York, le Montana... Gracq photographe ? Allez savoir.
Michon flaire les livres, les dédicaces, prend des images avec son téléphone portable. « Je me demande s'il avait gardé le livre que je lui avais envoyé, La Grande Beune. J'avais reçu une belle lettre de lui. Maintenant, je regrette un peu de n'être pas allé le voir. »
Daniel MORVAN.
Vente Gracq, mercredi 12 novembre à 14 h, chez Maîtres Couton & Veyrac, 8-10, rue de Miséricorde, à Nantes. Exposition publique ce mardi 11 novembre de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h, mercredi 12 de 9 h à 11 h.
lundi 10 novembre 2008
Presse océan : Vente Gracq : l'inventaire d'une vie exposé avant d'être mis aux enchères
Dimanche 09 novembre 2008
Vente Gracq : l'inventaire d'une vie exposé avant d'être mis aux enchères
La correspondance de Gracq avec André Breton, et ses échanges épistolaires avec René Magritte, constituent les plus belles pièces de la vente organisée le 12 novembre.
Un guéridon (estimation basse : 100 €), un buffet en bois frutier (2500 €), un portemanteau perroquet en bois (50 à 80 €), une horloge (150 €), une bibliothèque (300 à 500 €), la série des Voyages extraordinaires de Jules Verne, des livres par centaines, des photos, des lustres, un vieux téléphone, un jeu d'échec. Inventaire à la Prévert ? Non. Inventaire d'une vie. Ce qui l'en reste à disperser. Celle de l'écrivain Julien Gracq, décédé le 22 décembre dernier, rendu célèbre notamment après avoir refusé le prix Goncourt en 1951 qui lui était attribué pour son livre Le Rivage des Syrtes.
Exposé actuellement à l'Hôtel des ventes Couton-Veyrac, le patrimoine de Julien Gracq - provenant de sa maison de Saint-Florent-le-Vieil et de son appartement parisien - tient à la fois de la salle des trésors et du sympathique vide-greniers.
Nombreux visiteurs
Hier, près de 200 visiteurs sont venus plonger dans l'intimité du jeune Louis Poirier devenu Julien Gracq. « On a vu pas mal de gens qui ne sont pas habitués des salles de ventes, passionnés par l'oeuvre de Julien Gracq », indique Aymeric Rouillac, commissaire priseur stagiaire.
Beaucoup de Nantais, à l'instar de Bernard, cadre dans une administration de 40 ans : « J'aimerais bien m'offrir un petit souvenir de cet auteur que j'apprécie. Je vise plutôt les bouquins ou les bibelots, plutôt les lots qui ne font pas l'objet d'estimations. Une lampe de chevet, une pendule, pourquoi pas : je trouve ça amusant, ça a un petit côté idolâtre... »
Dépasser l'image de l'ermite
« Venir ici, c'est découvrir toutes les facettes de la personnalité de Julien Gracq, souligne Aymeric Rouillac. C'est dépasser la seule image de l'ermite de Saint-Florent-le-Vieil. À travers les oeuvres d'art que collectionnait l'écrivain, comme ce nu de femme réalisé au fusain par Derain, on se rend compte que Julien Gracq était aussi un bon vivant. »
Entre autres pépites, figure une édition originale du Rivage des Syrtes (12 à 15 000 €), une édition du Chef-d'oeuvre inconnu de Balzac contenant 12 eaux-fortes de Picasso (15 à 18 000 €). Le clou de l'exposition ? « Sans nul doute la correspondance de Gracq avec André Breton », confie Henri Veyrac, commissaire priseur. Ce lot, qui sera probablement préempté par la Bibliothèque nationale de France, est mis à prix autour de 30 000 €. « Il devrait dépasser sans mal les 50 000 €. »
Y. G.
Exposition visible encore les 10 et 11 novembre de 9 h à 12 h
et de 14 h à 18 h, à l'Hôtel des Ventes Couton et Veyrac (10, rue Miséricorde). Ultime visite le 12 au matin.
La « vente Gracq »
est programmée
le 12 novembre, à 14 heures.
Presse-Océan
Vente Gracq : l'inventaire d'une vie exposé avant d'être mis aux enchères
La correspondance de Gracq avec André Breton, et ses échanges épistolaires avec René Magritte, constituent les plus belles pièces de la vente organisée le 12 novembre.
Un guéridon (estimation basse : 100 €), un buffet en bois frutier (2500 €), un portemanteau perroquet en bois (50 à 80 €), une horloge (150 €), une bibliothèque (300 à 500 €), la série des Voyages extraordinaires de Jules Verne, des livres par centaines, des photos, des lustres, un vieux téléphone, un jeu d'échec. Inventaire à la Prévert ? Non. Inventaire d'une vie. Ce qui l'en reste à disperser. Celle de l'écrivain Julien Gracq, décédé le 22 décembre dernier, rendu célèbre notamment après avoir refusé le prix Goncourt en 1951 qui lui était attribué pour son livre Le Rivage des Syrtes.
Exposé actuellement à l'Hôtel des ventes Couton-Veyrac, le patrimoine de Julien Gracq - provenant de sa maison de Saint-Florent-le-Vieil et de son appartement parisien - tient à la fois de la salle des trésors et du sympathique vide-greniers.
Nombreux visiteurs
Hier, près de 200 visiteurs sont venus plonger dans l'intimité du jeune Louis Poirier devenu Julien Gracq. « On a vu pas mal de gens qui ne sont pas habitués des salles de ventes, passionnés par l'oeuvre de Julien Gracq », indique Aymeric Rouillac, commissaire priseur stagiaire.
Beaucoup de Nantais, à l'instar de Bernard, cadre dans une administration de 40 ans : « J'aimerais bien m'offrir un petit souvenir de cet auteur que j'apprécie. Je vise plutôt les bouquins ou les bibelots, plutôt les lots qui ne font pas l'objet d'estimations. Une lampe de chevet, une pendule, pourquoi pas : je trouve ça amusant, ça a un petit côté idolâtre... »
Dépasser l'image de l'ermite
« Venir ici, c'est découvrir toutes les facettes de la personnalité de Julien Gracq, souligne Aymeric Rouillac. C'est dépasser la seule image de l'ermite de Saint-Florent-le-Vieil. À travers les oeuvres d'art que collectionnait l'écrivain, comme ce nu de femme réalisé au fusain par Derain, on se rend compte que Julien Gracq était aussi un bon vivant. »
Entre autres pépites, figure une édition originale du Rivage des Syrtes (12 à 15 000 €), une édition du Chef-d'oeuvre inconnu de Balzac contenant 12 eaux-fortes de Picasso (15 à 18 000 €). Le clou de l'exposition ? « Sans nul doute la correspondance de Gracq avec André Breton », confie Henri Veyrac, commissaire priseur. Ce lot, qui sera probablement préempté par la Bibliothèque nationale de France, est mis à prix autour de 30 000 €. « Il devrait dépasser sans mal les 50 000 €. »
Y. G.
Exposition visible encore les 10 et 11 novembre de 9 h à 12 h
et de 14 h à 18 h, à l'Hôtel des Ventes Couton et Veyrac (10, rue Miséricorde). Ultime visite le 12 au matin.
La « vente Gracq »
est programmée
le 12 novembre, à 14 heures.
Presse-Océan
Hommage à Julien GRACQ à l'E.N.S>> 5 février 2008
Hommage à Julien GRACQ à l'E.N.S.
Introduction de Monique Canto-Sperber
Présentation
1. Ouverture de la soirée par Monique Canto-Sperber, directrice de l’École normale supérieure :
Présentation du portrait de Julien Gracq réalisé par Arno Ivens (peintre et postier à Montpellier) lors d’une visite à l’écrivain à Saint-Florent-le-Vieil, en août 2007, et exposé à l’École normale supérieure (salle Dussane)
2. Extrait d’un entretien avec Julien Gracq (archives sonores de l’INA)
3. Présentation de l’hommage par Michel Murat, directeur du département "Littérature et Langages" de l’École normale supérieure
4. Témoignages et lectures de textes par des élèves de l’École normale supérieure :
Élodie Hennequin (géographie), Philippe Cazala (histoire), Jean-Baptiste Feller (géographie), Lucas Demurger (lettres)
5. Table ronde sur l’homme et son œuvre : interventions et archives sonores de l’INA. Liste des intervenants :
— Jean-Louis Tissier (Paris I-Panthéon Sorbonne et directeur de l’Institut de géographie de Paris), auteur d’entretiens avec Julien Gracq (repris dans les Œuvres complètes, Gallimard, La Pléiade, 1989),
— Régis Debray (ancien élève de l’ENS et écrivain), auteur de Critique de la raison politique (Gallimard, 1981) et de Par Amour de l’Art (Gallimard, 1998),
— Jean-Louis Leutrat (Paris III-Sorbonne nouvelle), auteur de Julien Gracq (Éd. universitaires, 1967 et Seuil, 1991) et directeur du Cahier de l’Herne consacré à Julien Gracq (Éd. de l’Herne, 1972),
— Michel Murat, auteur de l’article "Trois notes en hommage à Julien Gracq" (revue Esprit, mai 2008) et des ouvrages Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq, étude de style (José Corti, 1983) et L’Enchanteur réticent, essai sur Julien Gracq (José Corti, 2004)
6. Présentation et projection du film d’André Delvaux, Rendez-vous à Bray.
Introduction de Monique Canto-Sperber
Présentation
1. Ouverture de la soirée par Monique Canto-Sperber, directrice de l’École normale supérieure :
Présentation du portrait de Julien Gracq réalisé par Arno Ivens (peintre et postier à Montpellier) lors d’une visite à l’écrivain à Saint-Florent-le-Vieil, en août 2007, et exposé à l’École normale supérieure (salle Dussane)
2. Extrait d’un entretien avec Julien Gracq (archives sonores de l’INA)
3. Présentation de l’hommage par Michel Murat, directeur du département "Littérature et Langages" de l’École normale supérieure
4. Témoignages et lectures de textes par des élèves de l’École normale supérieure :
Élodie Hennequin (géographie), Philippe Cazala (histoire), Jean-Baptiste Feller (géographie), Lucas Demurger (lettres)
5. Table ronde sur l’homme et son œuvre : interventions et archives sonores de l’INA. Liste des intervenants :
— Jean-Louis Tissier (Paris I-Panthéon Sorbonne et directeur de l’Institut de géographie de Paris), auteur d’entretiens avec Julien Gracq (repris dans les Œuvres complètes, Gallimard, La Pléiade, 1989),
— Régis Debray (ancien élève de l’ENS et écrivain), auteur de Critique de la raison politique (Gallimard, 1981) et de Par Amour de l’Art (Gallimard, 1998),
— Jean-Louis Leutrat (Paris III-Sorbonne nouvelle), auteur de Julien Gracq (Éd. universitaires, 1967 et Seuil, 1991) et directeur du Cahier de l’Herne consacré à Julien Gracq (Éd. de l’Herne, 1972),
— Michel Murat, auteur de l’article "Trois notes en hommage à Julien Gracq" (revue Esprit, mai 2008) et des ouvrages Le Rivage des Syrtes de Julien Gracq, étude de style (José Corti, 1983) et L’Enchanteur réticent, essai sur Julien Gracq (José Corti, 2004)
6. Présentation et projection du film d’André Delvaux, Rendez-vous à Bray.
Trouvé au fond d'un blog: à propos d'Angers
....Un blog de ...2006 .. bonne annéeun autre entre Ernestine Chasseboeuf et Gracq qui reprend toute leur correspondance à propos de la taxation de la lecture publique et à propos de Jean-Pierre Brisset. Voici la réponse, en 2001, de Gracq au courrier d'Ernestine lui demandant de signer la pétition réclamant que la ville d'Angers donnât le nom de Brisset au grand bassin du jardin du Mail :
" Madame, Je ne signe guère les pétitions, en effet, et je ne signerai pas la votre. Je m'en excuse, et je m'en console. En effet, les visées du Prince des Penseurs étant gigantesques, pour lui rendre un hommage calibré, il ne faudrait pas moins que débaptiser la place du Ralliement ou le boulevard Foch. Et vous risquez, hélas ! de rencontrer là bien des difficultés. Merci pour cet envoi qui m'a réjoui et mis de belle humeur."
" Madame, Je ne signe guère les pétitions, en effet, et je ne signerai pas la votre. Je m'en excuse, et je m'en console. En effet, les visées du Prince des Penseurs étant gigantesques, pour lui rendre un hommage calibré, il ne faudrait pas moins que débaptiser la place du Ralliement ou le boulevard Foch. Et vous risquez, hélas ! de rencontrer là bien des difficultés. Merci pour cet envoi qui m'a réjoui et mis de belle humeur."
samedi 8 novembre 2008
Le Figaro: Succession Gracq : suite et fin >>queue de la comète ? Bravo
Queue de la cometeSuccession Gracq : suite et fin
pauline simons
07/11/2008 | Mise à jour : 14:25 |
Si Julien Gracq a légué ses écrits à la Bibliothèque nationale, le contenu de sa succession, queue de la comète, recèle encore des livres et correspondances autour du surréalisme, notamment un ensemble d'échanges épistolaires avec André Breton (1939-1966) - s'ouvrant sur une lettre qui suit la lecture du manuscrit Au château d'Argol -, avec son éditeur José Corti, avec Magritte... Seront également dispersés des tableaux, des photos (sept tirages argentiques sur l'affaire Gracq en 1951, relatant le premier refus du prix Goncourt) ainsi que le mobilier de son appartement parisien, 61, rue de Grenelle, et de sa maison de Saint-Florent-le-Vieil en Maine-et-Loire.
Le 12 novembre, SVV Couton &Veyrac, Nantes (02.40.89.24.44).
pauline simons
07/11/2008 | Mise à jour : 14:25 |
Si Julien Gracq a légué ses écrits à la Bibliothèque nationale, le contenu de sa succession, queue de la comète, recèle encore des livres et correspondances autour du surréalisme, notamment un ensemble d'échanges épistolaires avec André Breton (1939-1966) - s'ouvrant sur une lettre qui suit la lecture du manuscrit Au château d'Argol -, avec son éditeur José Corti, avec Magritte... Seront également dispersés des tableaux, des photos (sept tirages argentiques sur l'affaire Gracq en 1951, relatant le premier refus du prix Goncourt) ainsi que le mobilier de son appartement parisien, 61, rue de Grenelle, et de sa maison de Saint-Florent-le-Vieil en Maine-et-Loire.
Le 12 novembre, SVV Couton &Veyrac, Nantes (02.40.89.24.44).
Le Figaro: Succession Gracq : suite et fin >>queue de la comète ? Bravo
Succession Gracq : suite et fin
pauline simons
07/11/2008 | Mise à jour : 14:25 |
Si Julien Gracq a légué ses écrits à la Bibliothèque nationale, le contenu de sa succession, queue de la comète, recèle encore des livres et correspondances autour du surréalisme, notamment un ensemble d'échanges épistolaires avec André Breton (1939-1966) - s'ouvrant sur une lettre qui suit la lecture du manuscrit Au château d'Argol -, avec son éditeur José Corti, avec Magritte... Seront également dispersés des tableaux, des photos (sept tirages argentiques sur l'affaire Gracq en 1951, relatant le premier refus du prix Goncourt) ainsi que le mobilier de son appartement parisien, 61, rue de Grenelle, et de sa maison de Saint-Florent-le-Vieil en Maine-et-Loire.
Le 12 novembre, SVV Couton &Veyrac, Nantes (02.40.89.24.44).
pauline simons
07/11/2008 | Mise à jour : 14:25 |
Si Julien Gracq a légué ses écrits à la Bibliothèque nationale, le contenu de sa succession, queue de la comète, recèle encore des livres et correspondances autour du surréalisme, notamment un ensemble d'échanges épistolaires avec André Breton (1939-1966) - s'ouvrant sur une lettre qui suit la lecture du manuscrit Au château d'Argol -, avec son éditeur José Corti, avec Magritte... Seront également dispersés des tableaux, des photos (sept tirages argentiques sur l'affaire Gracq en 1951, relatant le premier refus du prix Goncourt) ainsi que le mobilier de son appartement parisien, 61, rue de Grenelle, et de sa maison de Saint-Florent-le-Vieil en Maine-et-Loire.
Le 12 novembre, SVV Couton &Veyrac, Nantes (02.40.89.24.44).
jeudi 6 novembre 2008
jeudi 30 octobre 2008
Pierre Assouline : “Succession Julien Gracq 1910-2007″
Merci Pierre Assouline
Allez savoir pourquoi, cette lecture m’a attristé, vraiment. Ce n’est pas un livre mais un catalogue. Celui de la vente “Succession Julien Gracq 1910-2007″ que je vous avais récemment annoncée. Dans la perspective du 12 novembre, j’ai donc reçu le menu des réjouissances. Les commissaires-priseurs nantais Couton & Veyrac ne sont pas en cause, non plus que les experts Emmanuel Lhermitte et Thierry Bodin. Il s’agit de la tristesse que suscite toute dispersion, et de la tristesse supérieure qui s’empare de nous lorsque le volatilisé nous fut familier, soit par sa personne, soit par son oeuvre, soit par les deux.>>>>
mercredi 29 octobre 2008
Mediapart : Julien Gracq (1910-2007) en vente aux enchères, le 12 novembre à Nantes :
Julien Gracq (1910-2007) en vente aux enchères, le 12 novembre à Nantes : correspondances avec Breton et Char
Article
2 Commentaires
29 oct 2008Par Christophe Journet
Edition : La critique au fil des lectures, PaperRoll, lieu de critique constructive des médias
Julien Gracq, portrait de R. Veillé, pastel sur papier coloré, daté du 10/10/1942 ©D.R
Une matinée avec Gracq, et la vie se fait autre, progressivement. Hommage littéraire, à quelques jours de la vente aux enchères programmée le 12 novembre à Nantes de ses biens, de quelques-unes de ses correspondances avec Breton, Colette, Char, Barrault le comédien aussi, pour ne citer qu’eux.Tombeau de Louis Poirier, alias Julien Gracq, dont la sépulture a eu lieu le dernier jeudi de 2007 à Montreuil-Juigné (Maine-et-Loire), en banlieue d’Angers. Brève escapade au pays des Syrtes, promenade à la Kenneth White sur ce rivage très –trop ?- littéraire moins d’un an après la disparition de celui qui eût sans doute mérité le Nobel à titre posthume, si les prix avaient un sens que l’ex refuznik du Goncourt en 1951 ne leur accordait pas…
ParChristophe Journet alias Jo Gatsby
Il m’est parfois nécessaire d’écrire en usant d’un pseudonyme, Jo Gatsby, dont j’ignore le pourquoi du comment il est devenu le mien, tout comme Gracq disait ignorer la raison profonde du choix qui fut le sien, et qui fit de Louis Poirier le Julien Gracq que certains d’entre nous connaissons et apprécions et que beaucoup vénèrent comme un demi-dieu des lettres françaises.
Gracq, amoureux de Stendhal et donc fasciné par le personnage de Julien Sorel dans « Le rouge et le noir », mais admiratif aussi des figures des Gracques, Tiberius et Caius, ces deux frères romains qui ont marqué le 2e siècle avant J.-C. par l’étonnante modernité des choix politiques qui furent les leurs, et qui prirent le risque de se mettre à dos les principales institutions de leur époque, Sénat en tête. Double hommage donc dans ce pseudonyme de Julien Gracq, l’un à l’écrivain le plus doué de l’Empire napoléonien, d’origine grenobloise, d’une part, l’autre aux deux petit-fils de Scipion l’Africain, ces deux tribuns de la plèbe romaine qui furent à l’origine des premières grandes tentatives de réformes sociales de l’antique république de Rome, tous deux assassinés, l’aîné en 133, son cadet en 121 avant notre ère, dans des circonstances assez pasoliniennes à vrai dire, c’est-à-dire méconnues des historiens.
Le vrai « Tombeau » de Louis Poirier, alias Julien Gracq
Le sort aura été également cruel avec le plus authentique des Florentais. Natif de Saint-Florent-le-Vieil, à deux encablures de Nantes, l'un des écrivains français à avoir été édité vivant dans la collection prestigieuse de La Pléïade est mort l'avant-veille de Noël 2007 au CHU d'Angers, ville qu'il n'affectionnait pas particulièrement. Retour sur une visite chez lui le jeudi 31 janvier1992, où se mêle le souvenir de ses obsèques angevines.
Rencontrer Julien Gracq et revivre. Telle était l'expérience fabuleuse qui fut la mienne lorsque par un jour froid et ensoleillé de la fin janvier 1992, j'eus la chance de voir s'ouvrir devant moi la porte du plus mythique des auteurs français vivants, rue du Grenier à sel, à Saint-Florent-le-Vieil.
Une seule couronne sur son cercueil, portée par Hervé de Charrette, député-maire de sa commune ligérienne, ministre des affaires étrangères d'hier, descendant d'illustres vendéens, avec la mention : «Hommage des florentais au plus illustre de leurs contemporains». Le Mont-Glonne(1) en émoi. La traversée du grand pont sur la Loire qui précédait l'entrée dans le bourg de sa commune, les ruines du château de Gilles de Rais une fois laissées sur notre gauche à Champtocé, puis la Loire et ses brumes blanches traversées, restait un virage à gauche après ce pont équipé de haubans à l'ancienne ; puis encore une fois à droite pour entrer dans la rue du Grenier à sel, au nom prédestiné, comme tous les noms qui auront jalonné la vie de Louis Poirier. Jusqu'à celui de «l'Avenue des Poiriers» conduisant au crematorium de Montreuil-Juigné (Maine-et-Loire, au nord d'Angers), où une petite foule de fidèles et de rares élus ont veillé l'autre jour sur sa sépulture.
Carnets du grand chemin
Jusqu'au bout, le règne du vocable roi. Il habitait au n° 3 de la rue. Une clochette à tirer, deux courtes volées de marches en pierre à grimper et déjà, il ouvre sa porte. Sa maison, dès le perron, est une machine à remonter le temps, à sortir de la finitude. Il y règne une ambiance un peu ancienne, feutrée, calme, où l'araucaria cher au héros du Loup des Steppes d'Hermann Hesse aurait trouvé sa place sans peine, l'odeur de cire en moins. Salon... Gracq nous introduit alors assez vite dans un petit salon situé à gauche de l'entrée, où de brèves présentations eurent lieu. Il nous propose des sièges. Une photographe amie de l'écrivain et journaliste nantais Jacques Boislève n'expliquera ce qui l'amenait alors à me suivre qu'après environ une heure et demie de discussion non stop autour de ses «Carnets du grand chemin», son dernier essai d'alors, publié peu de temps après par l'éditeur José Corti. Sa boutique a pignon sur rue donnant sur le jardin du Luxembourg à Paris. Lequel Corti chez qui Julien Gracq avait fait éditer son premier roman, «Le château d'Argol», en 1938 l'avait connu à ses débuts.
Corti l'a précédé dans la mort, mais la maison a envoyé, elle, son représentant pour l'adieu.
Respect pour l’homme, plus encore que pour l’auteur.
Accueillant, prévenant, l'homme est tout à l'objet de notre visite, installé dans un fauteuil, près d'une table sur laquelle je peux poser de quoi écrire et l'ouvrage des « Carnets » à la couverture rose passée, un peu comme celles des oeuvres poétiques latines qui auront fait souffrir des générations de potaches, mais dont le format plus épais et moins large donne d'emblée la sensation tactile d'une épaisseur, d'une ampleur sémantique, d'une qualité littéraire.
Louis Poirier alias Julien Gracq m'offre alors le redoutable honneur d'engager la suite d'une conversation dont j'appréhende tout d'abord qu'elle n'ait tôt fait de le lasser, de lui sembler un peu superficielle, en dépit de tous mes efforts pour en garder la hauteur à un degré raisonnable d'intelligence et d'humanité, d'à propos littéraire et de sens, à partir des quelques remarques notées la veille sur la petite carte laissée entre les pages du livre par l'éditeur avec cette mention imprimée : «Hommage de l'auteur absent de Paris».
Sa voix est plutôt agréable. Elle ne semble pas atteinte par le demi-siècle passé de littérature dont il fait état. Le soleil qui éclaire la partie droite de son visage austère et paisible, telle la figure hiératique du génie textuel incarné qu'il était déjà aux yeux de ses pareils - académiciens inclus, Erik Orsenna(2) en tête, qui prit son propre pseudo d’auteur après lecture du Rivage des Syrtes en révérence à Gracq - laisse entrevoir par moments un quasi amusement dans un regard un rien marqué par les cernes ; presque une sorte de jubilation intérieure, un reste d'enfance que des années de géographie, d'histoire, et surtout de commerce régulier avec les mots lui avaient peut-être appris à effacer, à peine montée à la surface, comme des bulles crevant une eau limpide mais un rien sombre.
L’ama des écrivains
Non, il nous dit ne pas comprendre pourquoi on s'intéresse à lui. Par deux ou trois fois, il emploie le mot «taciturne» en parlant d'autres écrivains qu'il a connu, autant de statues au Panthéon des lettres à nos yeux, mais ce «taciturne» là ne semble pas signifier pour lui quelque chose de péjoratif : ni un défaut, ni une qualité de ces présences-là, seulement ce par quoi il se souvenait d'eux, autour d'une table et d'un repas partagé. Il nous parle ainsi des Breton, Eluard, Aragon, Mauriac, Char, comme nous parlons de nos voisins de rue, ou de palier. S'étonne d'entendre frapper à sa porte la presse littéraire moribonde d'une époque consumériste en faisant, un rien matois : «mais pourquoi viennent-ils me chercher jusqu'ici, n'ont-ils pas trouvé dans la jeune génération la relève qu'ils espèrent tous ?».
Pas d'interview, non, un simple échange. Gracq ne veut pas d'une « interview » en bonne et due forme, avec questions et réponses comme autant de simulacres de mémoires défaillantes, et se fait un rien critique en évoquant ces renvoyeurs d'ascenseurs éditoriaux incapables d'écrire sur un livre sans pratiquer à outrance la citation «comme une faiblesse de la pensée, une incapacité à dire sa propre version du texte, trahissant ainsi une mécompréhension de l'oeuvre et une vraie paresse intellectuelle».
Peu après cette visite, un certain Jérôme Garcin, critique littéraire réputé du moment signera deux pleines pages grand format d'une célèbre revue culturelle parisienne incluant un interview de Gracq recomposé en questions-réponses, truffés de citations de son livre, façon prêtre intégriste du temps des lumières lisant à ses ouailles les «bons» extraits de l'ancien testament pour leur éviter de tenter d'en entendre la portée profonde ! Quelle trahison ! Quel lèse-Gracq ! En lisant, en écrivant, en parlant, en écoutant, Gracq troque l'esbroufe contre l'échange réel.
Il nous parle de « l'ama » des écrivains du XIXe siècle, tout le XIXe siècle, les romantiques et les autres qu'il cite sans déplaisir, pour nous expliquer « l'idée d'un numen habitant l'écrivain dans la solitude et lui communiquant seule sa force de pénétration et son originalité ». La plus courte mention d'un thème relevé dans ses «Carnets» suffit à lui faire identifier le passage concerné, l'amenant aussitôt à développer, échafauder une démonstration sur son écriture, illustrer ce qu'il a décrit, avec une très grande justesse, sans jamais quitter d'un yota sa trajectoire imprimée, ni s'éloigner d'un poil de ses routes littéraires ou de ses perceptions paysagères truffées de découvertes de génie.
Ainsi, lorsqu'il évoque le passage sur nos territoires des toitures en ardoise à celles en tuiles, à l'endroit même où se situe la fracture tellurique entre le bassin parisien et le sous-sol plus malléable, calcaire, marbré, prévendéen des Mauges ligériennes, posé aux yeux du géographe et artiste comme une frontière géopoétique naturelle entre l'Anjou bleu républicain et les marches du choletais.
Sans doute est-ce là un des points qui impressionnent le plus sûrement chez cet homme qui ne craint pas, tout en s'en excusant au regard des gens de ce métier, de devoir dire que Voltaire était pour lui une sorte «d'écrivain-journaliste», et que par ailleurs «la mortalité infantile, en littérature, demeure bien supérieure à celle qui touche tous les autres arts majeurs» ! Chose qu'il attribuait ce jour-là au «pantouflage» tout comme au caractère décidément peu lucratif de l'activité littéraire, dès lors que celui qui s'y adonne en attend une réelle «qualité», sans laquelle son exercice ira déraper vers d'autres genres plus malléables, souvent source d'une toute autre prospérité. Rouaud parlant de Lindon et de son amour du pouvoir.
Balcon en forêt
«Casanier»... Il se disait «casanier» malgré ces carnets de routes qui traversent une partie de l'Europe et des USA, malgré ces années d'enseignement tant en province qu'à Paris, et ces années lumière de fulgurances intellectuelles dans la traversée de la littérature européenne, passée, présente et en devenir qu'il n'avait de cesse de peser et de sous peser sans sectarisme aucun entre les genres et les auteurs, vénérant un Henri Beyle alias Stendhal comme d'autres alias Erik Orsenna l'ont vénéré sans pouvoir rendre physiquement l'ultime hommage à sa dépouille.
Hormis Jean-Philippe Le Guillou, Pierre Mesnard, Jacques Boislève, Georges Cesbron, Joseph Raguin le journaliste et critique originaire du segréen, côté lettres, Pierre Brana le Girondin, Jean-Marc Ayrault le Nantais, Hervé de Charrette le Florentais côté politiques, une centaine d'anonymes tous peu ou prou fous de sa prose, fascinés par la beauté de ses romans, pas un seul élu angevin pour se recueillir sur son cercueil – campagne des municipales alors en cours ou inculture obligent - en écoutant un peu de Wagner, quelques notes de Chopin, et la dernière lecture d'un passage du «Balcon en forêt» par la fille de sa filleule venue spécialement d'un pays encore plus lointain que «le rivage des Syrtes» pour cette dernière heure angevine avant les cendres. Il était couché là, entre les planches, invisible aux yeux, sensible au coeur. Hommage à l'auteur, absent pour toujours de Saint-Florent-le-Vieil. D'autres que lui ont vu le monde dans son entier.
Lui, assurait-il modestement, ne l'avait pas fait. Il l’avait seulement écrit sous toutes les coutures, imaginaire compris, sans faute de frappe ni contresens.
Que contiennent donc ces lettres échangées par Gracq avec plusieurs des plus grands poètes du siècle dernier ? Voilà la vraie question ! Celui qui fut parmi les rares auteurs français à être publié de son vivant par les éditions de La Pléïade(3) saura-t-il encore surprendre davantage par sa correspondance littéraire et amicale son public et les jeunes lecteurs venus à son œuvre après son décès ? Evitera-t-on la captation de ces documents d’une toute autre valeur que strictement vénale par des acheteurs préférant soudain la valeur littéraire aux actions de bourses en plein délire ? Voilà quelques bonnes raisons pour les argentiers des bibliothèques, maisons d’édition, et des villes d’Angers, Nantes et Saint-Florent-le-Vieil de s’y rendre, pour pouvoir rendre à leur tour aux frères Gracques et à tous les Julien Sorel du 21e siècle ce qui leur appartient : les traces éparses d’un génie des lettres.
Jo Gatsby(4)
Pratique :
L'Hôtel des Ventes Couton & Veyrac se trouve aux 8-10, rue Miséricorde - BP 71906
44019 Nantes Cedex 1.
Expositions Publiques dans ces lieux :
Samedi 8 novembre de 9h à 12h et de 14h à 18h
Lundi 10 novembre de 9h à 12h et de 14h à 18h
Mardi 11 novembre de 9h à 12h et de 14h à 18h
Mercredi 12 novembre de 9 h à 11 h.
La vente débutera à 14h, avis aux amateurs !
Pour s’y rendre :
http://www.viamichelin.fr/viamichelin/fra/dyn/controller/Cartes?strCountry=1424&strAddress=10%2C+rue+Miséricorde+&strMerged=Nantes&x=61&y=12&ie=UTF-8
Ses oeuvres :
Au château d’Argol, 1938 ;
Un beau ténébreux, 1945 ;
Liberté grande, 1947 ;
Le Roi pêcheur, 1948 ;
André Breton, quelques aspects de l'écrivain, 1948 ;
Le Rivage des Syrtes, 1951 ; ( Prix Goncourt, qu'il refuse)
Prose pour l'Étrangère, 1952 ;
Penthésilée, 1954 ;
Un balcon en forêt, 1958 ;
Préférences, 1961 ;
Lettrines, 1967 ;
La Presqu'île, 1970 ;
Lettrines II, 1974 ;
Les Eaux Etroites, 1976 ;
En lisant en écrivant, 1980 ;
La Forme d'une ville, 1985 ;
Autour des sept collines, 1988 ;
Carnets du grand chemin, 1992 ;
Entretiens, 2002
Voir aussi :
http://www.nantes.fr/decouverte/actualites-decouverte/vente-aux-encheres-de-la-succession-gracq.html
www.jose-corti.fr/auteursfrancais/gracq.html
http://www.republique-des-lettres.fr/10226-julien-gracq.php
http://afp.google.com/article/ALeqM5jr8VLGWpAT2w_8Oy4Uo6wWj2cd3Q
Notes :
1- Le Mont-Glonne, coiffé par la belle Eglise abbatiale de Saint-Florent-le-Vieil, est à présent connu par les festivaliers des « Orientales », chaque année en juin et juillet.
2 – Voir le discours d’Orsenna lors de son entrée à l’Académie française à la place de Jacques-Yves Cousteau, et surtout la fin de ce texte :
http://pagesperso-orange.fr/mondalire/orsennaAF.htm
3 – Gide, Malraux, Claudel, Montherlant, Saint-John Perse, J. Green, Yourcenar, Char, Gracq, lonesco et N. Sarraute sont les seuls auteurs à avoir vu leurs œuvres publiées dans la « Pléiade » de leur vivant.
4- Jo Gatsby, mon pseudo, tient sans doute quant à lui de la figure du « Joe » de «Hey Joe», cette rock song des sixties rendue célèbre par Billy Roberts, puis par Jimi Hendrix, enfin par Johnny Hallyday chez nous, Joe étant cet homme en fuite vers le sud des USA après avoir commis l’irréparable en tuant sa femme d’un coup de fusil, et à qui le chanteur demande où il s’en va comme ça, un flingue à la main. « Jo », ma passion pour Jimi Hendrix, que je considère comme l’un des musiciens les plus créatifs depuis Bach, pas moins. Et, côté Gatsby, j’ignore pourquoi ce nom, car je n’ai lu et relu par la suite le roman de Fitzgerald « Gatsby le magnifique » qu’après avoir eu cette drôle d’idée d’utiliser « Jo Gatsby » comme pseudo, dans un premier temps comme musicien amateur dans un un ancien caf’conç magique du vieux Bordeaux, « La Cour des miracles », que tenait un authentique artiste peintre et restaurateur qui s’appellait Raymond Nabosse.
C’est donc Jo Gatsby au moins autant que moi qui avons écrit ensemble le texte qui suit à propos de Julien Gracq et qui m’a permis d’entrer en complicité avec Louis Poirier/Julien Gracq, par le biais de son envie de changer d’identité aux yeux de ses lecteurs.
Article
2 Commentaires
29 oct 2008Par Christophe Journet
Edition : La critique au fil des lectures, PaperRoll, lieu de critique constructive des médias
Julien Gracq, portrait de R. Veillé, pastel sur papier coloré, daté du 10/10/1942 ©D.R
Une matinée avec Gracq, et la vie se fait autre, progressivement. Hommage littéraire, à quelques jours de la vente aux enchères programmée le 12 novembre à Nantes de ses biens, de quelques-unes de ses correspondances avec Breton, Colette, Char, Barrault le comédien aussi, pour ne citer qu’eux.Tombeau de Louis Poirier, alias Julien Gracq, dont la sépulture a eu lieu le dernier jeudi de 2007 à Montreuil-Juigné (Maine-et-Loire), en banlieue d’Angers. Brève escapade au pays des Syrtes, promenade à la Kenneth White sur ce rivage très –trop ?- littéraire moins d’un an après la disparition de celui qui eût sans doute mérité le Nobel à titre posthume, si les prix avaient un sens que l’ex refuznik du Goncourt en 1951 ne leur accordait pas…
ParChristophe Journet alias Jo Gatsby
Il m’est parfois nécessaire d’écrire en usant d’un pseudonyme, Jo Gatsby, dont j’ignore le pourquoi du comment il est devenu le mien, tout comme Gracq disait ignorer la raison profonde du choix qui fut le sien, et qui fit de Louis Poirier le Julien Gracq que certains d’entre nous connaissons et apprécions et que beaucoup vénèrent comme un demi-dieu des lettres françaises.
Gracq, amoureux de Stendhal et donc fasciné par le personnage de Julien Sorel dans « Le rouge et le noir », mais admiratif aussi des figures des Gracques, Tiberius et Caius, ces deux frères romains qui ont marqué le 2e siècle avant J.-C. par l’étonnante modernité des choix politiques qui furent les leurs, et qui prirent le risque de se mettre à dos les principales institutions de leur époque, Sénat en tête. Double hommage donc dans ce pseudonyme de Julien Gracq, l’un à l’écrivain le plus doué de l’Empire napoléonien, d’origine grenobloise, d’une part, l’autre aux deux petit-fils de Scipion l’Africain, ces deux tribuns de la plèbe romaine qui furent à l’origine des premières grandes tentatives de réformes sociales de l’antique république de Rome, tous deux assassinés, l’aîné en 133, son cadet en 121 avant notre ère, dans des circonstances assez pasoliniennes à vrai dire, c’est-à-dire méconnues des historiens.
Le vrai « Tombeau » de Louis Poirier, alias Julien Gracq
Le sort aura été également cruel avec le plus authentique des Florentais. Natif de Saint-Florent-le-Vieil, à deux encablures de Nantes, l'un des écrivains français à avoir été édité vivant dans la collection prestigieuse de La Pléïade est mort l'avant-veille de Noël 2007 au CHU d'Angers, ville qu'il n'affectionnait pas particulièrement. Retour sur une visite chez lui le jeudi 31 janvier1992, où se mêle le souvenir de ses obsèques angevines.
Rencontrer Julien Gracq et revivre. Telle était l'expérience fabuleuse qui fut la mienne lorsque par un jour froid et ensoleillé de la fin janvier 1992, j'eus la chance de voir s'ouvrir devant moi la porte du plus mythique des auteurs français vivants, rue du Grenier à sel, à Saint-Florent-le-Vieil.
Une seule couronne sur son cercueil, portée par Hervé de Charrette, député-maire de sa commune ligérienne, ministre des affaires étrangères d'hier, descendant d'illustres vendéens, avec la mention : «Hommage des florentais au plus illustre de leurs contemporains». Le Mont-Glonne(1) en émoi. La traversée du grand pont sur la Loire qui précédait l'entrée dans le bourg de sa commune, les ruines du château de Gilles de Rais une fois laissées sur notre gauche à Champtocé, puis la Loire et ses brumes blanches traversées, restait un virage à gauche après ce pont équipé de haubans à l'ancienne ; puis encore une fois à droite pour entrer dans la rue du Grenier à sel, au nom prédestiné, comme tous les noms qui auront jalonné la vie de Louis Poirier. Jusqu'à celui de «l'Avenue des Poiriers» conduisant au crematorium de Montreuil-Juigné (Maine-et-Loire, au nord d'Angers), où une petite foule de fidèles et de rares élus ont veillé l'autre jour sur sa sépulture.
Carnets du grand chemin
Jusqu'au bout, le règne du vocable roi. Il habitait au n° 3 de la rue. Une clochette à tirer, deux courtes volées de marches en pierre à grimper et déjà, il ouvre sa porte. Sa maison, dès le perron, est une machine à remonter le temps, à sortir de la finitude. Il y règne une ambiance un peu ancienne, feutrée, calme, où l'araucaria cher au héros du Loup des Steppes d'Hermann Hesse aurait trouvé sa place sans peine, l'odeur de cire en moins. Salon... Gracq nous introduit alors assez vite dans un petit salon situé à gauche de l'entrée, où de brèves présentations eurent lieu. Il nous propose des sièges. Une photographe amie de l'écrivain et journaliste nantais Jacques Boislève n'expliquera ce qui l'amenait alors à me suivre qu'après environ une heure et demie de discussion non stop autour de ses «Carnets du grand chemin», son dernier essai d'alors, publié peu de temps après par l'éditeur José Corti. Sa boutique a pignon sur rue donnant sur le jardin du Luxembourg à Paris. Lequel Corti chez qui Julien Gracq avait fait éditer son premier roman, «Le château d'Argol», en 1938 l'avait connu à ses débuts.
Corti l'a précédé dans la mort, mais la maison a envoyé, elle, son représentant pour l'adieu.
Respect pour l’homme, plus encore que pour l’auteur.
Accueillant, prévenant, l'homme est tout à l'objet de notre visite, installé dans un fauteuil, près d'une table sur laquelle je peux poser de quoi écrire et l'ouvrage des « Carnets » à la couverture rose passée, un peu comme celles des oeuvres poétiques latines qui auront fait souffrir des générations de potaches, mais dont le format plus épais et moins large donne d'emblée la sensation tactile d'une épaisseur, d'une ampleur sémantique, d'une qualité littéraire.
Louis Poirier alias Julien Gracq m'offre alors le redoutable honneur d'engager la suite d'une conversation dont j'appréhende tout d'abord qu'elle n'ait tôt fait de le lasser, de lui sembler un peu superficielle, en dépit de tous mes efforts pour en garder la hauteur à un degré raisonnable d'intelligence et d'humanité, d'à propos littéraire et de sens, à partir des quelques remarques notées la veille sur la petite carte laissée entre les pages du livre par l'éditeur avec cette mention imprimée : «Hommage de l'auteur absent de Paris».
Sa voix est plutôt agréable. Elle ne semble pas atteinte par le demi-siècle passé de littérature dont il fait état. Le soleil qui éclaire la partie droite de son visage austère et paisible, telle la figure hiératique du génie textuel incarné qu'il était déjà aux yeux de ses pareils - académiciens inclus, Erik Orsenna(2) en tête, qui prit son propre pseudo d’auteur après lecture du Rivage des Syrtes en révérence à Gracq - laisse entrevoir par moments un quasi amusement dans un regard un rien marqué par les cernes ; presque une sorte de jubilation intérieure, un reste d'enfance que des années de géographie, d'histoire, et surtout de commerce régulier avec les mots lui avaient peut-être appris à effacer, à peine montée à la surface, comme des bulles crevant une eau limpide mais un rien sombre.
L’ama des écrivains
Non, il nous dit ne pas comprendre pourquoi on s'intéresse à lui. Par deux ou trois fois, il emploie le mot «taciturne» en parlant d'autres écrivains qu'il a connu, autant de statues au Panthéon des lettres à nos yeux, mais ce «taciturne» là ne semble pas signifier pour lui quelque chose de péjoratif : ni un défaut, ni une qualité de ces présences-là, seulement ce par quoi il se souvenait d'eux, autour d'une table et d'un repas partagé. Il nous parle ainsi des Breton, Eluard, Aragon, Mauriac, Char, comme nous parlons de nos voisins de rue, ou de palier. S'étonne d'entendre frapper à sa porte la presse littéraire moribonde d'une époque consumériste en faisant, un rien matois : «mais pourquoi viennent-ils me chercher jusqu'ici, n'ont-ils pas trouvé dans la jeune génération la relève qu'ils espèrent tous ?».
Pas d'interview, non, un simple échange. Gracq ne veut pas d'une « interview » en bonne et due forme, avec questions et réponses comme autant de simulacres de mémoires défaillantes, et se fait un rien critique en évoquant ces renvoyeurs d'ascenseurs éditoriaux incapables d'écrire sur un livre sans pratiquer à outrance la citation «comme une faiblesse de la pensée, une incapacité à dire sa propre version du texte, trahissant ainsi une mécompréhension de l'oeuvre et une vraie paresse intellectuelle».
Peu après cette visite, un certain Jérôme Garcin, critique littéraire réputé du moment signera deux pleines pages grand format d'une célèbre revue culturelle parisienne incluant un interview de Gracq recomposé en questions-réponses, truffés de citations de son livre, façon prêtre intégriste du temps des lumières lisant à ses ouailles les «bons» extraits de l'ancien testament pour leur éviter de tenter d'en entendre la portée profonde ! Quelle trahison ! Quel lèse-Gracq ! En lisant, en écrivant, en parlant, en écoutant, Gracq troque l'esbroufe contre l'échange réel.
Il nous parle de « l'ama » des écrivains du XIXe siècle, tout le XIXe siècle, les romantiques et les autres qu'il cite sans déplaisir, pour nous expliquer « l'idée d'un numen habitant l'écrivain dans la solitude et lui communiquant seule sa force de pénétration et son originalité ». La plus courte mention d'un thème relevé dans ses «Carnets» suffit à lui faire identifier le passage concerné, l'amenant aussitôt à développer, échafauder une démonstration sur son écriture, illustrer ce qu'il a décrit, avec une très grande justesse, sans jamais quitter d'un yota sa trajectoire imprimée, ni s'éloigner d'un poil de ses routes littéraires ou de ses perceptions paysagères truffées de découvertes de génie.
Ainsi, lorsqu'il évoque le passage sur nos territoires des toitures en ardoise à celles en tuiles, à l'endroit même où se situe la fracture tellurique entre le bassin parisien et le sous-sol plus malléable, calcaire, marbré, prévendéen des Mauges ligériennes, posé aux yeux du géographe et artiste comme une frontière géopoétique naturelle entre l'Anjou bleu républicain et les marches du choletais.
Sans doute est-ce là un des points qui impressionnent le plus sûrement chez cet homme qui ne craint pas, tout en s'en excusant au regard des gens de ce métier, de devoir dire que Voltaire était pour lui une sorte «d'écrivain-journaliste», et que par ailleurs «la mortalité infantile, en littérature, demeure bien supérieure à celle qui touche tous les autres arts majeurs» ! Chose qu'il attribuait ce jour-là au «pantouflage» tout comme au caractère décidément peu lucratif de l'activité littéraire, dès lors que celui qui s'y adonne en attend une réelle «qualité», sans laquelle son exercice ira déraper vers d'autres genres plus malléables, souvent source d'une toute autre prospérité. Rouaud parlant de Lindon et de son amour du pouvoir.
Balcon en forêt
«Casanier»... Il se disait «casanier» malgré ces carnets de routes qui traversent une partie de l'Europe et des USA, malgré ces années d'enseignement tant en province qu'à Paris, et ces années lumière de fulgurances intellectuelles dans la traversée de la littérature européenne, passée, présente et en devenir qu'il n'avait de cesse de peser et de sous peser sans sectarisme aucun entre les genres et les auteurs, vénérant un Henri Beyle alias Stendhal comme d'autres alias Erik Orsenna l'ont vénéré sans pouvoir rendre physiquement l'ultime hommage à sa dépouille.
Hormis Jean-Philippe Le Guillou, Pierre Mesnard, Jacques Boislève, Georges Cesbron, Joseph Raguin le journaliste et critique originaire du segréen, côté lettres, Pierre Brana le Girondin, Jean-Marc Ayrault le Nantais, Hervé de Charrette le Florentais côté politiques, une centaine d'anonymes tous peu ou prou fous de sa prose, fascinés par la beauté de ses romans, pas un seul élu angevin pour se recueillir sur son cercueil – campagne des municipales alors en cours ou inculture obligent - en écoutant un peu de Wagner, quelques notes de Chopin, et la dernière lecture d'un passage du «Balcon en forêt» par la fille de sa filleule venue spécialement d'un pays encore plus lointain que «le rivage des Syrtes» pour cette dernière heure angevine avant les cendres. Il était couché là, entre les planches, invisible aux yeux, sensible au coeur. Hommage à l'auteur, absent pour toujours de Saint-Florent-le-Vieil. D'autres que lui ont vu le monde dans son entier.
Lui, assurait-il modestement, ne l'avait pas fait. Il l’avait seulement écrit sous toutes les coutures, imaginaire compris, sans faute de frappe ni contresens.
Que contiennent donc ces lettres échangées par Gracq avec plusieurs des plus grands poètes du siècle dernier ? Voilà la vraie question ! Celui qui fut parmi les rares auteurs français à être publié de son vivant par les éditions de La Pléïade(3) saura-t-il encore surprendre davantage par sa correspondance littéraire et amicale son public et les jeunes lecteurs venus à son œuvre après son décès ? Evitera-t-on la captation de ces documents d’une toute autre valeur que strictement vénale par des acheteurs préférant soudain la valeur littéraire aux actions de bourses en plein délire ? Voilà quelques bonnes raisons pour les argentiers des bibliothèques, maisons d’édition, et des villes d’Angers, Nantes et Saint-Florent-le-Vieil de s’y rendre, pour pouvoir rendre à leur tour aux frères Gracques et à tous les Julien Sorel du 21e siècle ce qui leur appartient : les traces éparses d’un génie des lettres.
Jo Gatsby(4)
Pratique :
L'Hôtel des Ventes Couton & Veyrac se trouve aux 8-10, rue Miséricorde - BP 71906
44019 Nantes Cedex 1.
Expositions Publiques dans ces lieux :
Samedi 8 novembre de 9h à 12h et de 14h à 18h
Lundi 10 novembre de 9h à 12h et de 14h à 18h
Mardi 11 novembre de 9h à 12h et de 14h à 18h
Mercredi 12 novembre de 9 h à 11 h.
La vente débutera à 14h, avis aux amateurs !
Pour s’y rendre :
http://www.viamichelin.fr/viamichelin/fra/dyn/controller/Cartes?strCountry=1424&strAddress=10%2C+rue+Miséricorde+&strMerged=Nantes&x=61&y=12&ie=UTF-8
Ses oeuvres :
Au château d’Argol, 1938 ;
Un beau ténébreux, 1945 ;
Liberté grande, 1947 ;
Le Roi pêcheur, 1948 ;
André Breton, quelques aspects de l'écrivain, 1948 ;
Le Rivage des Syrtes, 1951 ; ( Prix Goncourt, qu'il refuse)
Prose pour l'Étrangère, 1952 ;
Penthésilée, 1954 ;
Un balcon en forêt, 1958 ;
Préférences, 1961 ;
Lettrines, 1967 ;
La Presqu'île, 1970 ;
Lettrines II, 1974 ;
Les Eaux Etroites, 1976 ;
En lisant en écrivant, 1980 ;
La Forme d'une ville, 1985 ;
Autour des sept collines, 1988 ;
Carnets du grand chemin, 1992 ;
Entretiens, 2002
Voir aussi :
http://www.nantes.fr/decouverte/actualites-decouverte/vente-aux-encheres-de-la-succession-gracq.html
www.jose-corti.fr/auteursfrancais/gracq.html
http://www.republique-des-lettres.fr/10226-julien-gracq.php
http://afp.google.com/article/ALeqM5jr8VLGWpAT2w_8Oy4Uo6wWj2cd3Q
Notes :
1- Le Mont-Glonne, coiffé par la belle Eglise abbatiale de Saint-Florent-le-Vieil, est à présent connu par les festivaliers des « Orientales », chaque année en juin et juillet.
2 – Voir le discours d’Orsenna lors de son entrée à l’Académie française à la place de Jacques-Yves Cousteau, et surtout la fin de ce texte :
http://pagesperso-orange.fr/mondalire/orsennaAF.htm
3 – Gide, Malraux, Claudel, Montherlant, Saint-John Perse, J. Green, Yourcenar, Char, Gracq, lonesco et N. Sarraute sont les seuls auteurs à avoir vu leurs œuvres publiées dans la « Pléiade » de leur vivant.
4- Jo Gatsby, mon pseudo, tient sans doute quant à lui de la figure du « Joe » de «Hey Joe», cette rock song des sixties rendue célèbre par Billy Roberts, puis par Jimi Hendrix, enfin par Johnny Hallyday chez nous, Joe étant cet homme en fuite vers le sud des USA après avoir commis l’irréparable en tuant sa femme d’un coup de fusil, et à qui le chanteur demande où il s’en va comme ça, un flingue à la main. « Jo », ma passion pour Jimi Hendrix, que je considère comme l’un des musiciens les plus créatifs depuis Bach, pas moins. Et, côté Gatsby, j’ignore pourquoi ce nom, car je n’ai lu et relu par la suite le roman de Fitzgerald « Gatsby le magnifique » qu’après avoir eu cette drôle d’idée d’utiliser « Jo Gatsby » comme pseudo, dans un premier temps comme musicien amateur dans un un ancien caf’conç magique du vieux Bordeaux, « La Cour des miracles », que tenait un authentique artiste peintre et restaurateur qui s’appellait Raymond Nabosse.
C’est donc Jo Gatsby au moins autant que moi qui avons écrit ensemble le texte qui suit à propos de Julien Gracq et qui m’a permis d’entrer en complicité avec Louis Poirier/Julien Gracq, par le biais de son envie de changer d’identité aux yeux de ses lecteurs.
mercredi 22 octobre 2008
L'Aubrac: extrait du Guide Pratique de l'Office du tourisme du canton de Laguiole
L'Aubrac
Voici quelques lignes de Julien Gracq (Carnet du grand chemin)... (extrait du Guide Pratique de l'Office du tourisme du canton de Laguiole)... elles traduisent parfaitement le sentiment que l'on éprouve quand on vient ici...
"... une attraction sans violence, mais difficilement résistible, me ramène d'année en année, encore et encore vers les hautes surfaces nues... (de) l'Aubrac. Tout ce qui subsiste d'intégralement exotique dans le paysage français me semble toujours se cantonner là : c'est comme un morceau de continent chauve et brusquement exondé qui ferait surface au dessus des sempiternelles campagnes bocagères qui sont la banalité de notre terroir. Tonsures sacramentelles, austères, dans notre chevelu arborescent si continu, images d'un dépouillement presque spiritualisé du paysage, qui mêlent indissolublement, à l'usage du promeneur, sentiment d'altitude et sentiment d'élévation..."
Jean MALAURIE...texte sur les paysages vues par son maître Emmanuel de Martonne
Les faciès cryergiques, torrentiels, les coupes de terrain franches et vigoureuses, permettent de donner une cohérence au raisonnement. Devant ces immensités majestueuses, je perçois dans un silence glacé assez effrayant, des dizaines d'indices - certains contradictoires - que je reconstitue dans ma pensée et se présente comme un puzzle afin de restituer une longue histoire qui s'achève par ces formes ultimes.
Je ressens devant un tel paysage, ce que Julien Gracq - lui aussi élève de de Martonne quelques quinze années plus tôt-, appelle un " fondu-enchaîné ", un " paysage graduel " un " paysage-histoire " un " sens " des harmoniques,… " expression de " relations internes " dans une " projection du temps dans l'espace " &sup4.
Les premières semaines très froides - de - 40 à - 30° - de début avril sont derrière moi. Mû d'une nouvelle ardeur chaque matin de ce mois de mai où le soleil est plus chaud, (température de - 20 à - 15°) je cherche le détail précis à faire figurer sur la carte qui, au fil des jours, n'est plus seulement topographique mais géomorphologique et je m'attache à chaque expression des agents cryergiques sur les versants de thalweg et le front littoral; je repère les sites cryergiques privilégiés : gneiss schisteux, calcaire en plaquettes cisaillées par des gels répétitifs ; dans les secteurs tabulaires, granitiques ou gneissiques, le socle de la pénéplaine algonkienne précambrienne s'impose dans sa majesté, son " immortalité " de 500 millions d'années.
Site de Jean MALAURIE...ce cher professeur amis des écossais et des Inuits
Je ressens devant un tel paysage, ce que Julien Gracq - lui aussi élève de de Martonne quelques quinze années plus tôt-, appelle un " fondu-enchaîné ", un " paysage graduel " un " paysage-histoire " un " sens " des harmoniques,… " expression de " relations internes " dans une " projection du temps dans l'espace " &sup4.
Les premières semaines très froides - de - 40 à - 30° - de début avril sont derrière moi. Mû d'une nouvelle ardeur chaque matin de ce mois de mai où le soleil est plus chaud, (température de - 20 à - 15°) je cherche le détail précis à faire figurer sur la carte qui, au fil des jours, n'est plus seulement topographique mais géomorphologique et je m'attache à chaque expression des agents cryergiques sur les versants de thalweg et le front littoral; je repère les sites cryergiques privilégiés : gneiss schisteux, calcaire en plaquettes cisaillées par des gels répétitifs ; dans les secteurs tabulaires, granitiques ou gneissiques, le socle de la pénéplaine algonkienne précambrienne s'impose dans sa majesté, son " immortalité " de 500 millions d'années.
Site de Jean MALAURIE...ce cher professeur amis des écossais et des Inuits
Lettrines II, 1974 et Emmanuel de Martonne
Lettrines II, 1974
La vue de la vallée de la Seine vers Meulan m'a rappelé tout à coup les excursions géographiques où mon maître Emmanuel de Martonne entraînait de temps en temps, entre Mantes, Neauphle, et la vallée de Chevreuse, le petit troupeau de ses vrais fidèles. En passant, je me suis souvenu avec précision de l'endroit où, au flanc du versant nord, nous suivions un jour, sous un chaud soleil de mai, le niveau de sources correspondant à l'affleurement des énigmatiques marnes vertes. Dans la connaissance livresque que j'avais à ce moment (je commençai ma licence) de la stratigraphie de l'Île-de-France, le nom de "marnes vertes" me laissait plus que sceptique : je n'avais jamais vu de glaise d'une telle couleur et je pensais que le géologue imaginatif qui avait baptisé ce niveau n'était pas ennemi de la galéjade : on devait parler de marnes vertes comme on parle de vin gris ou de roses noires. De Martonne s'arrêta au bord de la route pour une courte explication, puis, au flanc du fossé d'où suintait un filet d'eau, il donna deux ou trois coups de son marteau de géologue, et ramena au jour un beau morceau de glace à la pistache. J'écarquillai les yeux, comme saint Thomas devant les stigmates, et, de ce jour-là, fermement et pour toujours, je crus.
Lettrines II (1974), Julien Gracq, éd. José Corti, 1974 (ISBN 2-7143-0041-3), p. 149-150
La vue de la vallée de la Seine vers Meulan m'a rappelé tout à coup les excursions géographiques où mon maître Emmanuel de Martonne entraînait de temps en temps, entre Mantes, Neauphle, et la vallée de Chevreuse, le petit troupeau de ses vrais fidèles. En passant, je me suis souvenu avec précision de l'endroit où, au flanc du versant nord, nous suivions un jour, sous un chaud soleil de mai, le niveau de sources correspondant à l'affleurement des énigmatiques marnes vertes. Dans la connaissance livresque que j'avais à ce moment (je commençai ma licence) de la stratigraphie de l'Île-de-France, le nom de "marnes vertes" me laissait plus que sceptique : je n'avais jamais vu de glaise d'une telle couleur et je pensais que le géologue imaginatif qui avait baptisé ce niveau n'était pas ennemi de la galéjade : on devait parler de marnes vertes comme on parle de vin gris ou de roses noires. De Martonne s'arrêta au bord de la route pour une courte explication, puis, au flanc du fossé d'où suintait un filet d'eau, il donna deux ou trois coups de son marteau de géologue, et ramena au jour un beau morceau de glace à la pistache. J'écarquillai les yeux, comme saint Thomas devant les stigmates, et, de ce jour-là, fermement et pour toujours, je crus.
Lettrines II (1974), Julien Gracq, éd. José Corti, 1974 (ISBN 2-7143-0041-3), p. 149-150
mardi 21 octobre 2008
Presse Océan : La forme d'une vie dispersée sous le marteau vu par Eric Cabanas
La-forme-d-une-vie-dispersee-sous-le-marteau par Eric cabanas
Et si la "Forme d'une ville "était cette collection ?
Et si la "Forme d'une ville "était cette collection ?
Ouest France NANTES: Combien-pour-ce-Gracq-dans-la-vitrine ?
Combien-pour-ce-Gracq-dans-la-vitrine-un article d'Yves Aumont
Gracq aux enchères...de la forme d'une ville au "cabinet de curiosités".. (NDLR)
Gracq aux enchères...de la forme d'une ville au "cabinet de curiosités".. (NDLR)
samedi 18 octobre 2008
Des lettres d'André Breton dans la vente Julien Gracq
6:00 - mercredi 15 octobre 2008
Des lettres d'André Breton dans la vente Julien Gracq
32 lettres et cartes postales écrites entre 1939 et 1966, soit une très belle correspondance littéraire et amicale entre André Breton et Julien Gracq évaluée entre 30 000 et 35 000€, sont au catalogue de la vente aux enchères des biens de l'écrivain, le 12 novembre à l'Hôtel des ventes Couton-Veyrac à Nantes. Mais aussi une courte missive de Colette envoyée lors de la proclamation du prix Goncourt en 1951, des éditions originales, des dessins et peintures, des photos de Gracq, dont un cliché signé Doisneau, du mobilier de sa maison de Saint-Florent-le-Vieil et de son appartement parisien. Ce catalogue sera présenté officiellement ce jeudi 16 octobre, à l'occasion de la remise des manuscrits de Julien Gracq à la Bibliothèque nationale de France.
Des lettres d'André Breton dans la vente Julien Gracq
32 lettres et cartes postales écrites entre 1939 et 1966, soit une très belle correspondance littéraire et amicale entre André Breton et Julien Gracq évaluée entre 30 000 et 35 000€, sont au catalogue de la vente aux enchères des biens de l'écrivain, le 12 novembre à l'Hôtel des ventes Couton-Veyrac à Nantes. Mais aussi une courte missive de Colette envoyée lors de la proclamation du prix Goncourt en 1951, des éditions originales, des dessins et peintures, des photos de Gracq, dont un cliché signé Doisneau, du mobilier de sa maison de Saint-Florent-le-Vieil et de son appartement parisien. Ce catalogue sera présenté officiellement ce jeudi 16 octobre, à l'occasion de la remise des manuscrits de Julien Gracq à la Bibliothèque nationale de France.
jeudi 16 octobre 2008
300 lots seront proposés à l'hôtel des ventes Couton et Veyrac
15/10/2008 | 17:
© France 2
Les biens de l'écrivain et sa correspondance seront mis en vente à Nantes le 12 novembre
300 lots seront proposés à l'hôtel des ventes Couton et Veyrac, à l'exception de ses manuscrits remis officiellement à la Bibliothèque nationale de France (BNF). Ainsi ont en décidé les héritiers de l'écrivain décédé le 22 décembre 2007.
Le clou de la vente sera la correpondance entre Julien Gracq et l'écrivain André Breton de 1936 à 1966.
Comptant en tout 32 lettres et cartes postales, elle est évaluée entre 30.000 et 35.000 euros.
Séduit par "Au château d'Argol " (Gracq, 1938), écrira dans une lettre adressée à Gracq en 1939 qu'il l'a lu d'un seul trait , sans pouvoir une seconde (s') en détacher.
On retiendra aussi dans un exemplaire de l'édition de 1945 de "Le
surréalisme et la peinture" (Breton, 1945) sa dédicace "A Julien Gracq , Au voyant". Un dédicace courte "mais je ne suis pas sûr que l'on en ait d'autres de cette valeur-là", note Me Veyrac, pour qui la plongée dans l'intimité des deux hommes "confirme l'admiration et la complicité qui régnait entre l'un et l'autre", l'homme de l'ombre qu'était Julien Grac et l'exubérant André Breton, le pape du surréalisme.
Au vu de la correspondance, on lit en filigrane l'intimité qui liait les deux hommes:Breton lui raconte ses vacances ou encore ses réflexions après des attaques dont il a été victime.
Le refus du Goncourt
D'autres témoignages ponctue la vie de l'écrivain- de son vrai nom Louis Poirier-, comme son refus en 1951 du prix Goncourt qui lui est attribué pour "Le rivage des Syrtes". Colette, alors présidente du prix, insiste en lui envoyant un courrier confirmant la distinction, en ajoutant de sa main "qui a été heureuse de vous
donner sa voix".
Outre ces correspondances, seront aussi mis en vente des éditions originales dédicacées, de nombreux dessins, peintures mais aussi des photos de Gracq mises à prix 100 euros et enfin le mobilier de sa maison de Saint-Florent-le-Vieil (Maine-et-Loire) et de son appartement parisien de la rue de Grenelle.
De son vrai nom Louis Poirier, l'écrivain a laissé une oeuvre nourrie de romantisme allemand, de fantastique et de surréalisme qui a fait de lui un mythe littéraire. Il est décédé à l'âge de 97 ans.
© France 2
Les biens de l'écrivain et sa correspondance seront mis en vente à Nantes le 12 novembre
300 lots seront proposés à l'hôtel des ventes Couton et Veyrac, à l'exception de ses manuscrits remis officiellement à la Bibliothèque nationale de France (BNF). Ainsi ont en décidé les héritiers de l'écrivain décédé le 22 décembre 2007.
Le clou de la vente sera la correpondance entre Julien Gracq et l'écrivain André Breton de 1936 à 1966.
Comptant en tout 32 lettres et cartes postales, elle est évaluée entre 30.000 et 35.000 euros.
Séduit par "Au château d'Argol " (Gracq, 1938), écrira dans une lettre adressée à Gracq en 1939 qu'il l'a lu d'un seul trait , sans pouvoir une seconde (s') en détacher.
On retiendra aussi dans un exemplaire de l'édition de 1945 de "Le
surréalisme et la peinture" (Breton, 1945) sa dédicace "A Julien Gracq , Au voyant". Un dédicace courte "mais je ne suis pas sûr que l'on en ait d'autres de cette valeur-là", note Me Veyrac, pour qui la plongée dans l'intimité des deux hommes "confirme l'admiration et la complicité qui régnait entre l'un et l'autre", l'homme de l'ombre qu'était Julien Grac et l'exubérant André Breton, le pape du surréalisme.
Au vu de la correspondance, on lit en filigrane l'intimité qui liait les deux hommes:Breton lui raconte ses vacances ou encore ses réflexions après des attaques dont il a été victime.
Le refus du Goncourt
D'autres témoignages ponctue la vie de l'écrivain- de son vrai nom Louis Poirier-, comme son refus en 1951 du prix Goncourt qui lui est attribué pour "Le rivage des Syrtes". Colette, alors présidente du prix, insiste en lui envoyant un courrier confirmant la distinction, en ajoutant de sa main "qui a été heureuse de vous
donner sa voix".
Outre ces correspondances, seront aussi mis en vente des éditions originales dédicacées, de nombreux dessins, peintures mais aussi des photos de Gracq mises à prix 100 euros et enfin le mobilier de sa maison de Saint-Florent-le-Vieil (Maine-et-Loire) et de son appartement parisien de la rue de Grenelle.
De son vrai nom Louis Poirier, l'écrivain a laissé une oeuvre nourrie de romantisme allemand, de fantastique et de surréalisme qui a fait de lui un mythe littéraire. Il est décédé à l'âge de 97 ans.
samedi 11 octobre 2008
Le Clezio sur Julien Gracq..dans la Voix du Nord
Une cinquantaine de livres en 45 ans d'écriture
vendredi 10.10.2008, 05:01 - La Voix du Nord
Grand voyageur et romancier de l'errance, JMG Le Clézio est l'auteur d'une cinquantaine de livres, portés par une grande humanité.
Son oeuvre, qui comprend des contes, des romans, des essais, des nouvelles, des traductions de mythologie indienne, des livres de photos, d'innombrables préfaces, articles et contributions à des ouvrages collectifs, est perçue comme une critique de l'Occident matérialiste, sous tendue par une attention constante aux faibles et aux exclus.
Jean-Marie Gustave Le Clézio, qui fait partie aujourd'hui du jury Renaudot, a démarré sa carrière littéraire en fanfare : à 23 ans, il publie Le procès-verbal en 1963 qui lui vaut illico le succès et le prix... Renaudot.
S'ensuivent entre autres La Fièvre, L'Extase matérielle, Terra amata, Le Livre des fuites, La Guerre, Les Géants, Désert (peut-être son chef-d'oeuvre), Le Chercheur d'or, Voyage à Rodrigues, Onitsha, Étoile errante, La Quarantaine, Diego et Frida, Le Poisson d'or, Révolutions , Ourania, L'Africain (l'histoire du père de l'écrivain), Ballaciner et, en 2008 enfin, le petit dernier : Ritournelle de la faim (parus chez Gallimard pour l'essentiel).
Un sondage, paru dans la revue française Lire en 1994, le désignait comme « le plus grand écrivain de langue française » devant Julien Green. Honnête, il avait répondu : « Moi, j'aurais mis Julien Gracq en tête . » À son image, toujours prompt à remettre en question les fondements de la littérature traditionnelle. Si loin du superficiel. Ce qui lui fit dire : « J'ai le sentiment d'être une petite chose sur cette planète et la littérature me sert à m'exprimer. Si je me hasardais à philosopher, on dirait que je suis un pauvre rousseauiste qui n'a rien compris. » •
vendredi 10.10.2008, 05:01 - La Voix du Nord
Grand voyageur et romancier de l'errance, JMG Le Clézio est l'auteur d'une cinquantaine de livres, portés par une grande humanité.
Son oeuvre, qui comprend des contes, des romans, des essais, des nouvelles, des traductions de mythologie indienne, des livres de photos, d'innombrables préfaces, articles et contributions à des ouvrages collectifs, est perçue comme une critique de l'Occident matérialiste, sous tendue par une attention constante aux faibles et aux exclus.
Jean-Marie Gustave Le Clézio, qui fait partie aujourd'hui du jury Renaudot, a démarré sa carrière littéraire en fanfare : à 23 ans, il publie Le procès-verbal en 1963 qui lui vaut illico le succès et le prix... Renaudot.
S'ensuivent entre autres La Fièvre, L'Extase matérielle, Terra amata, Le Livre des fuites, La Guerre, Les Géants, Désert (peut-être son chef-d'oeuvre), Le Chercheur d'or, Voyage à Rodrigues, Onitsha, Étoile errante, La Quarantaine, Diego et Frida, Le Poisson d'or, Révolutions , Ourania, L'Africain (l'histoire du père de l'écrivain), Ballaciner et, en 2008 enfin, le petit dernier : Ritournelle de la faim (parus chez Gallimard pour l'essentiel).
Un sondage, paru dans la revue française Lire en 1994, le désignait comme « le plus grand écrivain de langue française » devant Julien Green. Honnête, il avait répondu : « Moi, j'aurais mis Julien Gracq en tête . » À son image, toujours prompt à remettre en question les fondements de la littérature traditionnelle. Si loin du superficiel. Ce qui lui fit dire : « J'ai le sentiment d'être une petite chose sur cette planète et la littérature me sert à m'exprimer. Si je me hasardais à philosopher, on dirait que je suis un pauvre rousseauiste qui n'a rien compris. » •
jeudi 9 octobre 2008
Gracq, adjugé, vendu ! par Pierre Assouline-blog
01 octobre 2008
Gracq, adjugé, vendu !
Etrange sensation : on apprend régulièrement que des correspondances d’écrivains vont être mises au feu des enchères sans que cela nous émeuve outre mesure ; mais de savoir que celle de Julien Gracq va l’être à son tour, cela fait quelque chose. Peut-être parce qu’il fut notre contemporain, que nous l’avons un peu côtoyé, que nous lui avons un peu écrit. Non qu’il y ait de terribles révélations à en attendre, encore que le don d’une partie de sa bibliothèque à celle de son village ait provoqué quelque émoi chez certains, ce qui se comprenait lorsqu’on songe à la haute flagornerie avec laquelle ceux-ci dédicaçaient leurs oeuvres adressées au maître retranché en sa thébaïde du Maine-et-Loire.
En tout cas, on lira avec curiosité le catalogue que ne manquera pas d’éditer l’hôtel des ventes Couton-Veyrac pour la dispersion que ses commissaires-priseurs organiseront le 12 novembre prochain à 14h rue Miséricorde à Nantes. Des lettres (José Corti, André Breton, René Char, Man Ray, Jean-Louis Barrault etc), mais aussi des éditions bibliophiliques (Rimbaud, Cocteau, Colette, Jünger, Henri Quefellec, Mandiargues, Régis Debray, Erik Orsenna) contenant souvent des envois dignes d’intérêt (ainsi Le surréalisme et la peinture :”A Julien Gracq, Au voyant, André Breton”), de rares portraits de lui par Robert Doisneau notamment, des dessins, des lithographies ainsi que ses meubles. Ceux qu’il avait achetés pour son appartement parisien de la rue de Grenelle (XVème), et ceux qu’il avait hérités de sa famille dans la maison où il vivait avec sa soeur, rue du Grenier-à-sel à Saint-Florent-le-Viel. Encore ne s’agit-il là que d’une infime partie des biens tant artistiques que littéraires dépendant de cette succession.
Par un document de trois feuillets intitulé “Ceci est mon testament”, Louis Poirier, ainsi qu’il l’a signé (la mention “En littérature Julien Gracq” a été rajoutée) avait légué ses manuscrits autographes, ses inédits et ses carnets de notes à la Bnf, et confié le droit moral et la divulgation à Bernhild Boie, professeur émérite de littérature germanique à l’université de Tours et éditrice de son oeuvre dans la Pléiade.
Gracq, adjugé, vendu !
Etrange sensation : on apprend régulièrement que des correspondances d’écrivains vont être mises au feu des enchères sans que cela nous émeuve outre mesure ; mais de savoir que celle de Julien Gracq va l’être à son tour, cela fait quelque chose. Peut-être parce qu’il fut notre contemporain, que nous l’avons un peu côtoyé, que nous lui avons un peu écrit. Non qu’il y ait de terribles révélations à en attendre, encore que le don d’une partie de sa bibliothèque à celle de son village ait provoqué quelque émoi chez certains, ce qui se comprenait lorsqu’on songe à la haute flagornerie avec laquelle ceux-ci dédicaçaient leurs oeuvres adressées au maître retranché en sa thébaïde du Maine-et-Loire.
En tout cas, on lira avec curiosité le catalogue que ne manquera pas d’éditer l’hôtel des ventes Couton-Veyrac pour la dispersion que ses commissaires-priseurs organiseront le 12 novembre prochain à 14h rue Miséricorde à Nantes. Des lettres (José Corti, André Breton, René Char, Man Ray, Jean-Louis Barrault etc), mais aussi des éditions bibliophiliques (Rimbaud, Cocteau, Colette, Jünger, Henri Quefellec, Mandiargues, Régis Debray, Erik Orsenna) contenant souvent des envois dignes d’intérêt (ainsi Le surréalisme et la peinture :”A Julien Gracq, Au voyant, André Breton”), de rares portraits de lui par Robert Doisneau notamment, des dessins, des lithographies ainsi que ses meubles. Ceux qu’il avait achetés pour son appartement parisien de la rue de Grenelle (XVème), et ceux qu’il avait hérités de sa famille dans la maison où il vivait avec sa soeur, rue du Grenier-à-sel à Saint-Florent-le-Viel. Encore ne s’agit-il là que d’une infime partie des biens tant artistiques que littéraires dépendant de cette succession.
Par un document de trois feuillets intitulé “Ceci est mon testament”, Louis Poirier, ainsi qu’il l’a signé (la mention “En littérature Julien Gracq” a été rajoutée) avait légué ses manuscrits autographes, ses inédits et ses carnets de notes à la Bnf, et confié le droit moral et la divulgation à Bernhild Boie, professeur émérite de littérature germanique à l’université de Tours et éditrice de son oeuvre dans la Pléiade.
Gracq cachotier ? François Dufay dans l'Express
Moins d'un an après sa mort, les langues se délient. Un nouveau visage du grand écrivain émerge, moins «coincé», mais tout aussi fascinant.
Du vivant de Julien Gracq, l'écrivain Pierre Michon - est-ce orgueil ou timidité? - n'avait jamais osé frapper à la porte de sa demeure. Moins d'un an après sa mort, à l'âge de 97 ans, c'est pourtant lui qui a pris l'initiative du bel hommage rendu à l'auteur du Rivage des Syrtes l'autre semaine, à Guéret, lors des Rencontres de Chaminadour, organisées par Hugues Bachelot. Un colloque tout sauf guindé, d'où la statue du commandeur des lettres françaises est paradoxalement sortie rajeunie, dégagée de la gangue de révérence qui l'enserrait.
Universitaires, écrivains ou confidents se sont en effet «lâchés», brossant un portrait non conformiste de cette icône des classes de khâgne. Car Julien Gracq (né Louis Poirier) n'était pas seulement un petit monsieur en pardessus et cache-nez marchant dans les labours glacés des Mauges: il fut aussi, comme l'a souligné Pierre Michon, ce drôle de dandy à casquette blanche, la clope au bec, surpris un jour par l'objectif du photographe Lartigue... «Juju», nourri au lait des provocations surréalistes et à la logomachie du PCF, aurait-il réprimé un petit côté voyou? N'exagérons rien. Mais, assurément, il se montra plus fin stratège qu'on ne l'imagine. Après avoir bénéficié de l'adoubement d'André Breton, cet avisé Angevin sut fasciner par son dédain du microcosme et son enterrement volontaire dans son «cul-de-basse-fosse» provincial. Ce qui lui valut le sobriquet cruel, décerné par Jean-Edern Hallier, de «Mistinguett de la solitude».
Le sage ne fut pas un célibataire endurci
Ecrivain du «moi», l'ermite de Saint-Florent-le-Vieil n'était certes pas du genre à s'épancher. Encore moins à étaler «la vie sexuelle de Julien G.». Il s'est cependant plus dévoilé qu'on a pu le croire. A entendre les spécialistes réunis à Guéret, son écriture, d'une netteté implacable, n'est pas exempte d'un érotisme latent, diffus, crypté. Nul besoin d'être psychanalyste pour ressentir la charge sexuelle de ses paysages - ainsi «l'Evre» aux «eaux étroites», remontée avec délices jusqu'à sa source... Contrairement à sa réputation, le sage retraité de l'Education nationale - fier d'avoir usé quatre 2 CV dans son existence - ne fut d'ailleurs pas un célibataire endurci. On ignore qui fut l' «étrangère» célébrée dans l'une de ses proses énigmatiques. On en sait un peu plus sur la très surréalisante Nora Mitrani, sa compagne dans les années 1950. On peut reconnaître les traits de cette belle brune dans les lithographies pornographiques signées de Hans Bellmer, dont elle partagea aussi la vie!
Ultime présence féminine auprès du grand écrivain, non plus muse mais gardienne du temple: Bernhild Boie, une chercheuse allemande, qui a établi l'édition de ses oeuvres dans la Pléiade et dont il a fait son exécutrice testamentaire. Car l'auteur des Lettrines a laissé des milliers de pages inédites, déposées à la BNF le 16 de ce mois. Ces textes, sous embargo, il faudra attendre en principe l'an 2028 pour les lire. Pierre Michon s'en pourlèche déjà les babines: «Je ne serais pas surpris, glisse l'auteur de La Grande Beune, qu'on y trouve des vacheries sur ses contemporains. Et même des textes érotiques...»
Du vivant de Julien Gracq, l'écrivain Pierre Michon - est-ce orgueil ou timidité? - n'avait jamais osé frapper à la porte de sa demeure. Moins d'un an après sa mort, à l'âge de 97 ans, c'est pourtant lui qui a pris l'initiative du bel hommage rendu à l'auteur du Rivage des Syrtes l'autre semaine, à Guéret, lors des Rencontres de Chaminadour, organisées par Hugues Bachelot. Un colloque tout sauf guindé, d'où la statue du commandeur des lettres françaises est paradoxalement sortie rajeunie, dégagée de la gangue de révérence qui l'enserrait.
Universitaires, écrivains ou confidents se sont en effet «lâchés», brossant un portrait non conformiste de cette icône des classes de khâgne. Car Julien Gracq (né Louis Poirier) n'était pas seulement un petit monsieur en pardessus et cache-nez marchant dans les labours glacés des Mauges: il fut aussi, comme l'a souligné Pierre Michon, ce drôle de dandy à casquette blanche, la clope au bec, surpris un jour par l'objectif du photographe Lartigue... «Juju», nourri au lait des provocations surréalistes et à la logomachie du PCF, aurait-il réprimé un petit côté voyou? N'exagérons rien. Mais, assurément, il se montra plus fin stratège qu'on ne l'imagine. Après avoir bénéficié de l'adoubement d'André Breton, cet avisé Angevin sut fasciner par son dédain du microcosme et son enterrement volontaire dans son «cul-de-basse-fosse» provincial. Ce qui lui valut le sobriquet cruel, décerné par Jean-Edern Hallier, de «Mistinguett de la solitude».
Le sage ne fut pas un célibataire endurci
Ecrivain du «moi», l'ermite de Saint-Florent-le-Vieil n'était certes pas du genre à s'épancher. Encore moins à étaler «la vie sexuelle de Julien G.». Il s'est cependant plus dévoilé qu'on a pu le croire. A entendre les spécialistes réunis à Guéret, son écriture, d'une netteté implacable, n'est pas exempte d'un érotisme latent, diffus, crypté. Nul besoin d'être psychanalyste pour ressentir la charge sexuelle de ses paysages - ainsi «l'Evre» aux «eaux étroites», remontée avec délices jusqu'à sa source... Contrairement à sa réputation, le sage retraité de l'Education nationale - fier d'avoir usé quatre 2 CV dans son existence - ne fut d'ailleurs pas un célibataire endurci. On ignore qui fut l' «étrangère» célébrée dans l'une de ses proses énigmatiques. On en sait un peu plus sur la très surréalisante Nora Mitrani, sa compagne dans les années 1950. On peut reconnaître les traits de cette belle brune dans les lithographies pornographiques signées de Hans Bellmer, dont elle partagea aussi la vie!
Ultime présence féminine auprès du grand écrivain, non plus muse mais gardienne du temple: Bernhild Boie, une chercheuse allemande, qui a établi l'édition de ses oeuvres dans la Pléiade et dont il a fait son exécutrice testamentaire. Car l'auteur des Lettrines a laissé des milliers de pages inédites, déposées à la BNF le 16 de ce mois. Ces textes, sous embargo, il faudra attendre en principe l'an 2028 pour les lire. Pierre Michon s'en pourlèche déjà les babines: «Je ne serais pas surpris, glisse l'auteur de La Grande Beune, qu'on y trouve des vacheries sur ses contemporains. Et même des textes érotiques...»
mardi 7 octobre 2008
il y a musique chez Gracq, là où il n'y a que mots atones chez les autres De Christian Calbour, lecteur de Nantes.
L'évidence, la proximité de « La forme d'une ville » de Gracq - Nantes
mercredi 09 janvier 2008 « [...] il y a musique chez Gracq, là où il n'y a que mots atones chez les autres
De Christian Calbour, lecteur de Nantes.
« Rien ne me prédisposait à l'évocation de Julien Gracq. Certes, j'avais lu précocement « Le rivage des Syrtes » après l'avoir, page après page, découpé d'un index fébrile. Mais, depuis cette époque, je n'avais plus parcouru d'opuscule de cet harmoniste de la langue : il y a musique chez Gracq là où il n'y a que mots atones chez les autres. L'écrit sans intonations, sans parfums, sans voix, sans gestes, sans creux et sans reliefs ne dessine qu'un paysage plan, morne, dénaturé, inanimé...
« Ma rencontre imprévisible, en octobre 2007, avec Hubert Fruchaud, lors de l'Exposition d'une quarantaine de ses tableaux représentant Nantes au début du XX e siècle, initia notre connivence. La concordance de notre perception de la ville, avant qu'elle se métamorphose - érodée et défigurée par la main de l'homme - en une banale mégapole désenchantée, unit nos savoir-faire à la recherche d'un temps perdu.
« Pour nous, il n'était rien de plus étrange que de se percevoir étranger dans notre propre ville... qu'elle soit natale ou d'adoption ! Ce malaise diffus, que nous partagions avec tant d'autres, fut à l'origine d'un livre : « Au bonheur de Nantes ».
« Cet ouvrage que nous venons tout juste d'achever, relate les déambulations de deux flâneurs à l'écoute de leur cité qui bavarde sans cesse mille discours dans leurs oreilles et mille images dans leur regard, afin qu'ils recréent son tissage subtil d'îles et de terres, d'eaux courantes et de ciels aux couleurs fortes, de façades enluminées ou modestes, d'héroïsme ou d'humilité... Il concrétise la rencontre entre un pinceau et une plume, outils devenus consanguins pour transcrire dans un même geste la vision d'une ville qui inspire tant de nos actions et de nos émotions. [...]
« Lors de l'écriture des textes d'« Au bonheur de Nantes », j'utilisais quelques bribes de Gracq sous forme de citations extraites de « La forme d'une ville » et recueillies au gré de mes lectures sur Nantes. [...] J'appelai les Editions José-Corti pour leur demander l'autorisation de citer Julien Gracq. Enhardi par la convivialité de mon interlocuteur, j'osai m'enquérir de la possibilité de transmettre notre texte à l'auteur qui, s'il le désirait, pourrait rédiger une préface. On m'indiqua que Julien Gracq, lisant difficilement et les mains déformées par l'arthrose, ne répondait plus aux diverses sollicitations dont il était l'objet.
« Au bonheur de Nantes » architecturé et rédigé, je me procurai enfin « La forme d'une ville », dont je tranchai maladroitement les hauts et les bords de page afin de découvrir l'intégralité du périple gracquien dans Nantes, unique cité qu'il éleva au rang de mythe formateur de sa personne. (...)
« Le vendredi 21 décembre, je débutai la lecture jubilatoire de « La forme d'une ville » dont l'évidence, l'actualité, la proximité étaient telles qu'il m'apparut comme indispensable que nos édiles (NDLR) et les nouveaux Nantais s'en dotassent pour ne plus massacrer notre ville.
« Le samedi 22 décembre, Julien Gracq, empruntant le Grand Chemin, accomplissait discrètement son ultime promenade parmi les vivants.
« Ces quelques lignes, hors de toute exégèse, témoignent de nos retrouvailles inattendues avec sa mémoire nantaise fidèle à sa Ville, compagne de ses déambulations et de ses rêveries déconstruisant l'espace-temps commun pour le reconstruire selon une poétique à nulle autre pareille. Elles expriment notre instinctuelle allégeance à ce coeur imprégné de notre campagne urbaine, celle qui le fit sensuel et charnel sur les chemins de l'écriture. (...) »
NDLR : Jean-Marc Ayrault maire de Nantes a dans son bureau, plusieurs exemplaires de la « Forme d'une ville » et en offre régulièrement à ses visiteurs au nom de la ville de Nantes.
mercredi 09 janvier 2008 « [...] il y a musique chez Gracq, là où il n'y a que mots atones chez les autres
De Christian Calbour, lecteur de Nantes.
« Rien ne me prédisposait à l'évocation de Julien Gracq. Certes, j'avais lu précocement « Le rivage des Syrtes » après l'avoir, page après page, découpé d'un index fébrile. Mais, depuis cette époque, je n'avais plus parcouru d'opuscule de cet harmoniste de la langue : il y a musique chez Gracq là où il n'y a que mots atones chez les autres. L'écrit sans intonations, sans parfums, sans voix, sans gestes, sans creux et sans reliefs ne dessine qu'un paysage plan, morne, dénaturé, inanimé...
« Ma rencontre imprévisible, en octobre 2007, avec Hubert Fruchaud, lors de l'Exposition d'une quarantaine de ses tableaux représentant Nantes au début du XX e siècle, initia notre connivence. La concordance de notre perception de la ville, avant qu'elle se métamorphose - érodée et défigurée par la main de l'homme - en une banale mégapole désenchantée, unit nos savoir-faire à la recherche d'un temps perdu.
« Pour nous, il n'était rien de plus étrange que de se percevoir étranger dans notre propre ville... qu'elle soit natale ou d'adoption ! Ce malaise diffus, que nous partagions avec tant d'autres, fut à l'origine d'un livre : « Au bonheur de Nantes ».
« Cet ouvrage que nous venons tout juste d'achever, relate les déambulations de deux flâneurs à l'écoute de leur cité qui bavarde sans cesse mille discours dans leurs oreilles et mille images dans leur regard, afin qu'ils recréent son tissage subtil d'îles et de terres, d'eaux courantes et de ciels aux couleurs fortes, de façades enluminées ou modestes, d'héroïsme ou d'humilité... Il concrétise la rencontre entre un pinceau et une plume, outils devenus consanguins pour transcrire dans un même geste la vision d'une ville qui inspire tant de nos actions et de nos émotions. [...]
« Lors de l'écriture des textes d'« Au bonheur de Nantes », j'utilisais quelques bribes de Gracq sous forme de citations extraites de « La forme d'une ville » et recueillies au gré de mes lectures sur Nantes. [...] J'appelai les Editions José-Corti pour leur demander l'autorisation de citer Julien Gracq. Enhardi par la convivialité de mon interlocuteur, j'osai m'enquérir de la possibilité de transmettre notre texte à l'auteur qui, s'il le désirait, pourrait rédiger une préface. On m'indiqua que Julien Gracq, lisant difficilement et les mains déformées par l'arthrose, ne répondait plus aux diverses sollicitations dont il était l'objet.
« Au bonheur de Nantes » architecturé et rédigé, je me procurai enfin « La forme d'une ville », dont je tranchai maladroitement les hauts et les bords de page afin de découvrir l'intégralité du périple gracquien dans Nantes, unique cité qu'il éleva au rang de mythe formateur de sa personne. (...)
« Le vendredi 21 décembre, je débutai la lecture jubilatoire de « La forme d'une ville » dont l'évidence, l'actualité, la proximité étaient telles qu'il m'apparut comme indispensable que nos édiles (NDLR) et les nouveaux Nantais s'en dotassent pour ne plus massacrer notre ville.
« Le samedi 22 décembre, Julien Gracq, empruntant le Grand Chemin, accomplissait discrètement son ultime promenade parmi les vivants.
« Ces quelques lignes, hors de toute exégèse, témoignent de nos retrouvailles inattendues avec sa mémoire nantaise fidèle à sa Ville, compagne de ses déambulations et de ses rêveries déconstruisant l'espace-temps commun pour le reconstruire selon une poétique à nulle autre pareille. Elles expriment notre instinctuelle allégeance à ce coeur imprégné de notre campagne urbaine, celle qui le fit sensuel et charnel sur les chemins de l'écriture. (...) »
NDLR : Jean-Marc Ayrault maire de Nantes a dans son bureau, plusieurs exemplaires de la « Forme d'une ville » et en offre régulièrement à ses visiteurs au nom de la ville de Nantes.
Gracq était toujours là, comme une déclaration de joie sévère : pensez que du haut de ce rayon, la littérature française vous contemple !
Jean Rome était ce libraire de la rue des Gras à Clermont-Ferrand, qui expliquait aux touristes que la cathédrale, située à tomber sur sa porte, est noire non pas par oubli, mais parce qu’elle est en pierre de Volvic.
Dans les quelques mètres carrés de Jean, on entendait les livres se plaindre qu’ils ne fussent pas assez lus. On trouvait Jean le plus souvent assis, écoutant France Culture, caché derrière les piles des nouveautés, griffonnant au crayon noir un cahier bombé de notes.
Un désir de vous dire combien on pouvait se sentir bien dans son faux désordre me pique. En entrant, on levait l’oeil vers la gauche. Gracq était toujours là, comme une déclaration de joie sévère : pensez que du haut de ce rayon, la littérature française vous contemple ! Les oeuvres de Michon et de Bergounioux se tenaient dans son dos. Durant leur période clermontoise, Michel Foucault et Michel Serres fréquentaient l’endroit. Jean restera aussi le libraire de Ma Nuit chez Maud. Certes, le plan dure une seconde, mais un plan d’une seconde quand il est d’Éric Rohmer*…
Avec Jean comme avec B***l, nous parlions souvent et longtemps. Avec Jean, c’était sous les ampoules pâles, à l’heure où la rue des Gras en pente avait déjà fermé ses boutiques. Hommes du soir.
Jean s’interrogeait sur la jouissance de mes mouvements vers la Catalogne. Il m’interrogeait tellement sur mon entre-deux que je me demandais s’il lui paraissait étrange ou exotique. Lui ne s’éloignait pas de son biotope d’herbe, de vent et de chemins, l’Auvergne plus le Massif central. Toutes ces années, il semblait accepter que les livres se vendent moins, mais j’en doutais.
. Jean ne me tendra pas ma commande récente et je ne répondrai pas à son insistance, la dernière fois que nous nous sommes vus, à déjeuner.
* Extrait de Ma Nuit chez Maud dans Six Contes moraux (Éric Rohmer, coll. Ramsay poche cinéma, L’Herne, Paris, 1974) : « Un jour, dans une librairie où je cherchais des ouvrages sur le calcul des probabilités, j’ai jeté un coup d’oeil sur le rayon des livres de poche et j’ai acheté les Pensées de Pascal. (…) »
La maison natale de Pascal, aujourd’hui détruite, occupait un emplacement contigu au bâtiment où se trouve la librairie de Jean, créée en 1962, à la place de la boutique de dentelles de la mère de Jean. J’aime penser au triangle Rohmer, Rome, Pascal…
Extraits du blog "Trottoirs de Barcelone"
Dans les quelques mètres carrés de Jean, on entendait les livres se plaindre qu’ils ne fussent pas assez lus. On trouvait Jean le plus souvent assis, écoutant France Culture, caché derrière les piles des nouveautés, griffonnant au crayon noir un cahier bombé de notes.
Un désir de vous dire combien on pouvait se sentir bien dans son faux désordre me pique. En entrant, on levait l’oeil vers la gauche. Gracq était toujours là, comme une déclaration de joie sévère : pensez que du haut de ce rayon, la littérature française vous contemple ! Les oeuvres de Michon et de Bergounioux se tenaient dans son dos. Durant leur période clermontoise, Michel Foucault et Michel Serres fréquentaient l’endroit. Jean restera aussi le libraire de Ma Nuit chez Maud. Certes, le plan dure une seconde, mais un plan d’une seconde quand il est d’Éric Rohmer*…
Avec Jean comme avec B***l, nous parlions souvent et longtemps. Avec Jean, c’était sous les ampoules pâles, à l’heure où la rue des Gras en pente avait déjà fermé ses boutiques. Hommes du soir.
Jean s’interrogeait sur la jouissance de mes mouvements vers la Catalogne. Il m’interrogeait tellement sur mon entre-deux que je me demandais s’il lui paraissait étrange ou exotique. Lui ne s’éloignait pas de son biotope d’herbe, de vent et de chemins, l’Auvergne plus le Massif central. Toutes ces années, il semblait accepter que les livres se vendent moins, mais j’en doutais.
. Jean ne me tendra pas ma commande récente et je ne répondrai pas à son insistance, la dernière fois que nous nous sommes vus, à déjeuner.
* Extrait de Ma Nuit chez Maud dans Six Contes moraux (Éric Rohmer, coll. Ramsay poche cinéma, L’Herne, Paris, 1974) : « Un jour, dans une librairie où je cherchais des ouvrages sur le calcul des probabilités, j’ai jeté un coup d’oeil sur le rayon des livres de poche et j’ai acheté les Pensées de Pascal. (…) »
La maison natale de Pascal, aujourd’hui détruite, occupait un emplacement contigu au bâtiment où se trouve la librairie de Jean, créée en 1962, à la place de la boutique de dentelles de la mère de Jean. J’aime penser au triangle Rohmer, Rome, Pascal…
Extraits du blog "Trottoirs de Barcelone"
jeudi 2 octobre 2008
Julien Gracq, dit par Eric Chartier au Théâtre de l'Isle-Saint-Louis.
Julien Gracq, dit par Eric Chartier
au Théâtre de l'Isle-Saint-Louis.
39 quai d'Anjou
75004 Paris
Eric Chartier, qui interprète l'oeuvre de Julien Gracq depuis une vingtaine d'années, a choisi de donner au public parisien trois oeuvres du grand récrivain récemment disparu:
Les eaux Etroites (10 mn)
Nantes, la forme d'une ville (20 mn)
La Presqu'île. (60 mn).
15€ - étudiants de moins de 25 ans, avec une carte: 10€
Réservation 01 46 33 48 65
En octobre 2008
17h30: le 5, 12, 19
21h00: le 3, 4, 7, 8, 9, 10, 11, 14, 15, 16, 17, 18
au Théâtre de l'Isle-Saint-Louis.
39 quai d'Anjou
75004 Paris
Eric Chartier, qui interprète l'oeuvre de Julien Gracq depuis une vingtaine d'années, a choisi de donner au public parisien trois oeuvres du grand récrivain récemment disparu:
Les eaux Etroites (10 mn)
Nantes, la forme d'une ville (20 mn)
La Presqu'île. (60 mn).
15€ - étudiants de moins de 25 ans, avec une carte: 10€
Réservation 01 46 33 48 65
En octobre 2008
17h30: le 5, 12, 19
21h00: le 3, 4, 7, 8, 9, 10, 11, 14, 15, 16, 17, 18
mardi 30 septembre 2008
lundi 29 septembre 2008
Nantes...Les biens de Julien Gracq aux enchères à Nantes le 12 novembre
Les biens de Julien Gracq aux enchères à Nantes le 12 novembre
Il y a 19 heures
NANTES (AFP) — Les biens de l'écrivain Julien Gracq, sauf ses manuscrits légués à la Bibliothèque nationale de France (BNF), seront vendus aux enchères à Nantes le 12 novembre avec principalement sa très nombreuse correspondance, "un témoignage précieux" selon l'hôtel des ventes.
L'hôtel des ventes Couton-Veyrac présentera le catalogue complet de cette vente le 14 octobre, à l'occasion de la remise à la BNF des manuscrits de l'écrivain, décédé le 22 décembre 2007.
A Nantes seront vendus le 12 novembre l'ensemble de ses autres biens, et principalement sa très nombreuse correspondance avec son éditeur José Corti ou encore avec André Breton. Cette correspondance, qui sera le clou de la vente, est actuellement entre les mains d'experts pour l'inventorier et l'estimer.
Une centaine de livres, des éditions originales rares, seront aussi mis en vente, ainsi que des dessins, des lithographies ou encore le mobilier de son appartement parisien et de sa propriété de Saint-Florent-le-Vieil (Maine-et-Loire).
De son vrai nom Louis Poirier, Julien Gracq a laissé une oeuvre nourrie de romantisme allemand, de fantastique et de surréalisme qui a fait de lui un mythe littéraire.
En 1951, il avait refusé le prix Goncourt pour "Le rivage des Syrtes". Retiré dans sa ville natale de Saint-Florent-le-Vieil, Julien Gracq est décédé à l'âge de 97 ans.
Il y a 19 heures
NANTES (AFP) — Les biens de l'écrivain Julien Gracq, sauf ses manuscrits légués à la Bibliothèque nationale de France (BNF), seront vendus aux enchères à Nantes le 12 novembre avec principalement sa très nombreuse correspondance, "un témoignage précieux" selon l'hôtel des ventes.
L'hôtel des ventes Couton-Veyrac présentera le catalogue complet de cette vente le 14 octobre, à l'occasion de la remise à la BNF des manuscrits de l'écrivain, décédé le 22 décembre 2007.
A Nantes seront vendus le 12 novembre l'ensemble de ses autres biens, et principalement sa très nombreuse correspondance avec son éditeur José Corti ou encore avec André Breton. Cette correspondance, qui sera le clou de la vente, est actuellement entre les mains d'experts pour l'inventorier et l'estimer.
Une centaine de livres, des éditions originales rares, seront aussi mis en vente, ainsi que des dessins, des lithographies ou encore le mobilier de son appartement parisien et de sa propriété de Saint-Florent-le-Vieil (Maine-et-Loire).
De son vrai nom Louis Poirier, Julien Gracq a laissé une oeuvre nourrie de romantisme allemand, de fantastique et de surréalisme qui a fait de lui un mythe littéraire.
En 1951, il avait refusé le prix Goncourt pour "Le rivage des Syrtes". Retiré dans sa ville natale de Saint-Florent-le-Vieil, Julien Gracq est décédé à l'âge de 97 ans.
mercredi 24 septembre 2008
Bu d'Angers (extrait)
Les Eaux étroites (1976)
Beauchesne, Eric. - Un récit emblématique : Les Eaux étroites, de Julien Gracq. - Ann Arbor (Mich.) : UMI, 1999
Mém. M. A. : Litt. : Laval (Canada) : 1993
Cote B.U. Angers : R 40 337
Ollivry-Anelli, Hélène. - Une Lecture des "Eaux étroites" de Julien Gracq. - [S. l. s.n.], 1990.
Mém. Maîtrise : Lett. : Paris IV : 1990. 3 ex.
Cote BU Angers : R 40 038. R 40 039. R 40 040.
Seyfrid, Brigitte. - La Fiction autobiographique dans "les Eaux étroites" de Julien Gracq. - [S.l. s.n.], 1986.
Mém. Maîtrise : Lett. mod. : Strasbourg II : 1986. 2 ex.
Cote BU Angers : R 40 266. R 40 225.
Carnets du grand chemin (1992)
Lanza, Evelyne. - Julien Gracq autobiographe ? dans "Carnets du grand chemin", 1992, Edition Corti. - [S.l. s.n.], 1997.
Mém. Maîtr. : Lett. : (?) : 1997.
Cote BU Angers : R 40 308
Beauchesne, Eric. - Un récit emblématique : Les Eaux étroites, de Julien Gracq. - Ann Arbor (Mich.) : UMI, 1999
Mém. M. A. : Litt. : Laval (Canada) : 1993
Cote B.U. Angers : R 40 337
Ollivry-Anelli, Hélène. - Une Lecture des "Eaux étroites" de Julien Gracq. - [S. l. s.n.], 1990.
Mém. Maîtrise : Lett. : Paris IV : 1990. 3 ex.
Cote BU Angers : R 40 038. R 40 039. R 40 040.
Seyfrid, Brigitte. - La Fiction autobiographique dans "les Eaux étroites" de Julien Gracq. - [S.l. s.n.], 1986.
Mém. Maîtrise : Lett. mod. : Strasbourg II : 1986. 2 ex.
Cote BU Angers : R 40 266. R 40 225.
Carnets du grand chemin (1992)
Lanza, Evelyne. - Julien Gracq autobiographe ? dans "Carnets du grand chemin", 1992, Edition Corti. - [S.l. s.n.], 1997.
Mém. Maîtr. : Lett. : (?) : 1997.
Cote BU Angers : R 40 308
lundi 22 septembre 2008
Gracq au bac
Julien Gracq : extrait de Lettrines 2
Villages d'Amérique : lotissements gazonnés, ombreux et verdoyants, où le bornage remplace la clôture; maisonnettes de bois éparses sous les branches et posées sur le sol précairement. Rien n'est enraciné : c'est une maquette de « village fleuri » comme on en voit dans les vitrines des agences; si on soufflait dessus, tout s'envolerait, il ne resterait que les arbres, plus vieux que les murs qu'ils ont fournis. Petites églises blanches et neuves, non plus le coeur du village ainsi que chez nous, mais plutôt une dépendance fonctionnelle analogue à la poste ou au silo de maïs, casées à l'écart, n'importe où, comme une église de plantation au coin d'un champ de canne à sucre. Les cimetières sont des bosquets riants et ombragés, logeant des stèles de pierre au large sur les gazons tondus d'un vert profond : rien de lugubre en ces lieux; ce sont les prairies d'asphodèles beaucoup plus que les caveaux gothiques de l'Europe hantés des goules et des revenants. Dans ces bocages d'Éden pleins de pépiements, où plus rien ne parle du ver rongeur, de la Danse Macabre et du Jugement, brusquement revient en mémoire la mythologie indienne née de cette terre, où les âmes des guerriers morts voletaient réincarnées dans l'oiseau-mouche. Aucun de ces amers' de pierre dressée où s'accrochent les légendes : châteaux, moulins, cloîtres, donjons, calvaires, ruines. Nulle cicatrice d'homme sur la terre : le mound précolombien rentre dans le sol et s'égalise en un mouvement de terrain flou, la maison abandonnée disparaît en fumée comme un tas d'herbes sèches, l'Indian trial de terre battue a moins longue vie que la chaussée romaine. Le signe de la croix lui-même apparaît ici transplanté et exotique : « manière de blanc » à laquelle le paysage et le sol restent indociles, comme l'est aux espèces du pain et du vin cette terre du lait et du maïs.
Villages d'Amérique : lotissements gazonnés, ombreux et verdoyants, où le bornage remplace la clôture; maisonnettes de bois éparses sous les branches et posées sur le sol précairement. Rien n'est enraciné : c'est une maquette de « village fleuri » comme on en voit dans les vitrines des agences; si on soufflait dessus, tout s'envolerait, il ne resterait que les arbres, plus vieux que les murs qu'ils ont fournis. Petites églises blanches et neuves, non plus le coeur du village ainsi que chez nous, mais plutôt une dépendance fonctionnelle analogue à la poste ou au silo de maïs, casées à l'écart, n'importe où, comme une église de plantation au coin d'un champ de canne à sucre. Les cimetières sont des bosquets riants et ombragés, logeant des stèles de pierre au large sur les gazons tondus d'un vert profond : rien de lugubre en ces lieux; ce sont les prairies d'asphodèles beaucoup plus que les caveaux gothiques de l'Europe hantés des goules et des revenants. Dans ces bocages d'Éden pleins de pépiements, où plus rien ne parle du ver rongeur, de la Danse Macabre et du Jugement, brusquement revient en mémoire la mythologie indienne née de cette terre, où les âmes des guerriers morts voletaient réincarnées dans l'oiseau-mouche. Aucun de ces amers' de pierre dressée où s'accrochent les légendes : châteaux, moulins, cloîtres, donjons, calvaires, ruines. Nulle cicatrice d'homme sur la terre : le mound précolombien rentre dans le sol et s'égalise en un mouvement de terrain flou, la maison abandonnée disparaît en fumée comme un tas d'herbes sèches, l'Indian trial de terre battue a moins longue vie que la chaussée romaine. Le signe de la croix lui-même apparaît ici transplanté et exotique : « manière de blanc » à laquelle le paysage et le sol restent indociles, comme l'est aux espèces du pain et du vin cette terre du lait et du maïs.
Presse Ocean L’élève Louis Poirier vu par son professeur de lettres, Georges Kirn
L’élève Louis Poirier vu par son professeur de lettres, Georges Kirn
Georges Kirn, professeur de lettres.
En 1951, au lendemain de l’attribution du Prix Goncourt à Julien Gracq, pour Le Rivage des Syrtes, Georges Kirn dit tout le bien qu’il pense de son élève de seconde de l’année scolaire 1925-1926.
" Le plus étonnant, ce n’est pas que le Goncourt le couronne cette année, mais qu’il ne l’ait pas couronné dès son premier livre en 1938.Il était à l’aise dans toutes les matières, en latin, en grec, en maths…Et vous savez que lorsqu’il lui fallut choisir une orientation, c’est l’agrégation d’histoire qu’il choisit. Ce qui ne l’empêcha pas, tout en préparant Normale, d’être brillamment reçu au concours de sortie de l’Ecole des sciences politiques.Lorsqu’il était mon élève, il était très en avance sur les programmes. Les mouvements littéraires les plus fermés lui étaient familiers. Il lisait beaucoup. Sa facilité de travail lui permettait de le faire sans perte de temps.Plusieurs fois, il m’a fait lire ses poèmes. On pouvait y retrouver bien sûr une forte influence du symbolisme, mais par delà cette part d’imitation qui tenait à son âge, il y avait un instinct très sûr du poème et de la poésie. Sentiments et formes portaient la marque d’une maturité très personnelle.Il avait un jugement très sûr. Je me souviens d’une analyse qu’il m’avait faite sur un poème d’Henri de Régnier. Tout ce qu’il fallait en dire y était. Il voyait juste.Il lui est même arrivé d’être desservi par cette sûreté de jugement. C’était à sa première partie de bachot ; à ce moment-là, on donnait encore des commentaires de textes à l’écrit.Le commentaire portait sur « La flûte » de Vigny. Poirier avait fait une analyse très serrée, faisant la part du prosaïsme de Vigny. Cela dut mécontenter le correcteur, si bien que Poirier n’eut qu’un 14 au lieu du 18 ou 19 qu’il eût dû avoir."Propos tenus en décembre 1951 au journal La Résistance de l’Oues
Georges Kirn, professeur de lettres.
En 1951, au lendemain de l’attribution du Prix Goncourt à Julien Gracq, pour Le Rivage des Syrtes, Georges Kirn dit tout le bien qu’il pense de son élève de seconde de l’année scolaire 1925-1926.
" Le plus étonnant, ce n’est pas que le Goncourt le couronne cette année, mais qu’il ne l’ait pas couronné dès son premier livre en 1938.Il était à l’aise dans toutes les matières, en latin, en grec, en maths…Et vous savez que lorsqu’il lui fallut choisir une orientation, c’est l’agrégation d’histoire qu’il choisit. Ce qui ne l’empêcha pas, tout en préparant Normale, d’être brillamment reçu au concours de sortie de l’Ecole des sciences politiques.Lorsqu’il était mon élève, il était très en avance sur les programmes. Les mouvements littéraires les plus fermés lui étaient familiers. Il lisait beaucoup. Sa facilité de travail lui permettait de le faire sans perte de temps.Plusieurs fois, il m’a fait lire ses poèmes. On pouvait y retrouver bien sûr une forte influence du symbolisme, mais par delà cette part d’imitation qui tenait à son âge, il y avait un instinct très sûr du poème et de la poésie. Sentiments et formes portaient la marque d’une maturité très personnelle.Il avait un jugement très sûr. Je me souviens d’une analyse qu’il m’avait faite sur un poème d’Henri de Régnier. Tout ce qu’il fallait en dire y était. Il voyait juste.Il lui est même arrivé d’être desservi par cette sûreté de jugement. C’était à sa première partie de bachot ; à ce moment-là, on donnait encore des commentaires de textes à l’écrit.Le commentaire portait sur « La flûte » de Vigny. Poirier avait fait une analyse très serrée, faisant la part du prosaïsme de Vigny. Cela dut mécontenter le correcteur, si bien que Poirier n’eut qu’un 14 au lieu du 18 ou 19 qu’il eût dû avoir."Propos tenus en décembre 1951 au journal La Résistance de l’Oues
mardi 16 septembre 2008
Robert de Goulaine dans Ouest France 16/09/2008
Robert de Goulaine. C'est Julien Gracq qui lui a mis le pied à l'étrier. « Un ami. Pendant vingt ans, jusqu'à la fin de sa vie, on se voyait tous les quinze jours. » Robert de Goulaine habite un château près de Nantes, où il élève des papillons, veille sur ses vignes, où il écrit. Son neuvième livre, Tant et si peu, est publié aux éditions du Rocher. C'est celui d'un écrivain élégant et philosophe. « Plus on a de passions, moins l'on a de risques de succomber à l'une d'entre elles », dit-il. Alors, il observe le microcosme parisien à bonne distance. « Je suis hors du coup, vu mon âge (75 ans), vu que j'habite Goulaine. C'est une chance. Sinon je serais tombé dans la nécessité de toujours publier davantage. Je n'ai jamais été grand public. Mon plaisir a été d'être apprécié par des gens qui comptent. »
Marc PENNEC.
Marc PENNEC.
lundi 8 septembre 2008
LIvres Hebdo 23 décembre 2007
Julien Gracq disparaît
Publié le 23 décembre 2007 par vt, afp
(Photo : Julien Gracq)
Julien Gracq est mort à 97 ans. Il avait abordé tous les genres littéraires en près de sept décennies d'écriture. L'auteur des "Rivages de Syrtes" laisse une oeuvre majeure, nourrie du romantisme germanique, de fantastique et de surréalisme. Il fut l'un des rares écrivains à être publié de son vivant dans la Pléiade.
L'écrivain français Julien Gracq, de son vrai nom Louis Poirier, auteur notamment du Rivages des Syrtes, est mort samedi à l'âge de 97 ans des suites d'un malaise, a-t-on appris dimanche auprès de son entourage. L'auteur avait été hospitalisé en début de semaine après avoir eu un malaise à son domicile de Saint-Florent-le-Vieil (Pays de la loire), dans l'ouest de la France, où il vivait retiré depuis de nombreuses années, selon la même source.
Né le 27 juillet 1910 dans ce même village, Julien Gracq figurait parmi les très grands écrivains francais. Auteur de 19 ouvrages, Julien Gracq nourrissait son oeuvre de romantisme allemand, de fantastique et de surréalisme.
Il avait refusé le Goncourt
Homme secret et rétif aux honneurs, Julien Gracq avait refusé le prix Goncourt en 1951 pour son chef d'oeuvre Le rivage des Syrtes. Mais il avait cependant accepté d'entrer en 1989 dans la prestigieuse collection de Gallimard, la Pléiade. Jamais édité en poche, ses textes n'avaient connu que des tirages limités, ce qui ne l'avait pas empêché d'acquérir un immense prestige auprès d'un public lettré.
Julien Gracq a étudié à l'Ecole normale supérieure et à Sciences-po et obtenu son agrégation d'histoire et de géographie. Il a écrit tout en enseignant dans des lycées de Quimper, Nantes, Amiens et Paris. Il a choisi le nom de Gracq pour de simples "raisons de rythme et de sonorité".
En 1938, il présente en vain le manuscrit de Au château d'Argol à la NRF (Gallimard). Il s'adresse alors à l'éditeur et libraire José Corti, à qui il restera fidèle durant toute sa vie. En 1939, après avoir rencontré André Breton, chef de file du surréalisme, il devient un compagnon de route du mouvement dont il s'éloigne cependant assez vite. Avec une perfection de style frisant parfois la préciosité, il était pamphlétaire dans La littérature à l'estomac (1950), où il stigmatisait les moeurs littéraires, poète dans Liberté grande (1947), critique dans Préférences (1967), nouvelliste dans La presqu'île (1970) et, bien sûr, romancier dans Un beau ténébreux (1945) ou Un balcon en forêt (1958). Certaines de ces oeuvre sont été adaptées au cinéma.
Julien Gracq a abordé des genres différents dans ses 19 livres (poésie, théâtre, critiques, romans, essais, nouvelles, etc...).Son dernier livre, Entretiens, est paru en 2002, et comme dans ses précédents livres, Julien Gracq avait choisi un travail d'édition à l'ancienne, sur des feuillets non massicotés, que le lecteur se doit d'ouvrir au coupe-papier comme un journal intime. De très nombreux ouvrages savants sont parus sur son oeuvre, traduite en plusieurs langues. Ses oeuvres complètes sont publiées dans la collection prestigieuse de Gallimard "La Pléiade".
Jean-Maurice de Montremy lui rendait hommage dans son récent blog avec cette citation prophétique signée Gracq : "Tout ce qui a la couleur du songe est, de nature, prophétique et tourné vers l’avenir. "
___________
Site internet officiel : http://www.jose-corti.fr/auteursfrancais/presentation-gracq.html
Julien Gracq dans les programmes du Capes
Publié le 23 décembre 2007 par vt, afp
(Photo : Julien Gracq)
Julien Gracq est mort à 97 ans. Il avait abordé tous les genres littéraires en près de sept décennies d'écriture. L'auteur des "Rivages de Syrtes" laisse une oeuvre majeure, nourrie du romantisme germanique, de fantastique et de surréalisme. Il fut l'un des rares écrivains à être publié de son vivant dans la Pléiade.
L'écrivain français Julien Gracq, de son vrai nom Louis Poirier, auteur notamment du Rivages des Syrtes, est mort samedi à l'âge de 97 ans des suites d'un malaise, a-t-on appris dimanche auprès de son entourage. L'auteur avait été hospitalisé en début de semaine après avoir eu un malaise à son domicile de Saint-Florent-le-Vieil (Pays de la loire), dans l'ouest de la France, où il vivait retiré depuis de nombreuses années, selon la même source.
Né le 27 juillet 1910 dans ce même village, Julien Gracq figurait parmi les très grands écrivains francais. Auteur de 19 ouvrages, Julien Gracq nourrissait son oeuvre de romantisme allemand, de fantastique et de surréalisme.
Il avait refusé le Goncourt
Homme secret et rétif aux honneurs, Julien Gracq avait refusé le prix Goncourt en 1951 pour son chef d'oeuvre Le rivage des Syrtes. Mais il avait cependant accepté d'entrer en 1989 dans la prestigieuse collection de Gallimard, la Pléiade. Jamais édité en poche, ses textes n'avaient connu que des tirages limités, ce qui ne l'avait pas empêché d'acquérir un immense prestige auprès d'un public lettré.
Julien Gracq a étudié à l'Ecole normale supérieure et à Sciences-po et obtenu son agrégation d'histoire et de géographie. Il a écrit tout en enseignant dans des lycées de Quimper, Nantes, Amiens et Paris. Il a choisi le nom de Gracq pour de simples "raisons de rythme et de sonorité".
En 1938, il présente en vain le manuscrit de Au château d'Argol à la NRF (Gallimard). Il s'adresse alors à l'éditeur et libraire José Corti, à qui il restera fidèle durant toute sa vie. En 1939, après avoir rencontré André Breton, chef de file du surréalisme, il devient un compagnon de route du mouvement dont il s'éloigne cependant assez vite. Avec une perfection de style frisant parfois la préciosité, il était pamphlétaire dans La littérature à l'estomac (1950), où il stigmatisait les moeurs littéraires, poète dans Liberté grande (1947), critique dans Préférences (1967), nouvelliste dans La presqu'île (1970) et, bien sûr, romancier dans Un beau ténébreux (1945) ou Un balcon en forêt (1958). Certaines de ces oeuvre sont été adaptées au cinéma.
Julien Gracq a abordé des genres différents dans ses 19 livres (poésie, théâtre, critiques, romans, essais, nouvelles, etc...).Son dernier livre, Entretiens, est paru en 2002, et comme dans ses précédents livres, Julien Gracq avait choisi un travail d'édition à l'ancienne, sur des feuillets non massicotés, que le lecteur se doit d'ouvrir au coupe-papier comme un journal intime. De très nombreux ouvrages savants sont parus sur son oeuvre, traduite en plusieurs langues. Ses oeuvres complètes sont publiées dans la collection prestigieuse de Gallimard "La Pléiade".
Jean-Maurice de Montremy lui rendait hommage dans son récent blog avec cette citation prophétique signée Gracq : "Tout ce qui a la couleur du songe est, de nature, prophétique et tourné vers l’avenir. "
___________
Site internet officiel : http://www.jose-corti.fr/auteursfrancais/presentation-gracq.html
Julien Gracq dans les programmes du Capes
Inscription à :
Articles (Atom)