Pays de la Loire
mardi 11 novembre 2008
Avec Pierre Michon sur les traces de Julien Gracq
L'écrivain nantais Pierre Michon découvre l'original d'une lettre historique : celle adressée par André Breton à Julien Gracq, après la publication d'« Au château d'Argol ». Pièce maîtresse de la vente du 12 novembre.
La succession Julien Gracq est dispersée, demain, à Nantes. À la veille des enchères, nous visitons l'exposition en compagnie de l'écrivain nantais Pierre Michon.
« Oh, cette photo ! Julien Gracq en gondole à Venise ! Avec son amie Nora Mitrani et André Pieyre de Mandiargues, qui avait une maison là-bas. Gracq en parle dans ses carnets : Nora et moi, allions acheter du calamar au marché de Venise. »
Visiter en solo la vente Gracq : Il a fallu cet appât pour extraire Pierre Michon de l'écriture de son prochain livre. Levé chaque jour à 5 h, il y travaille d'arrache-pied. Mais pour Gracq, il sort de sa chambre d'écrivain, à Nantes.
Henri Veyrac, le commissaire-priseur, l'accueille comme un prince des lettres. Le conduit immédiatement devant le talisman, la lettre d'André Breton, celle du 13 mai 1939, où le poète dit son admiration pour Gracq et son Château d'Argol. « Oui, c'est bien l'encre bleue des mers du sud qu'utilisait Breton. »
Son héros littéraire
La vente est constituée de trois cents lots, meubles, photos, livres, tableaux, lettres (lire Ouest-France du 8 novembre). On y touche du doigt les grandes amitiés littéraires. Connues, celle d'Ernst Jünger, « son héros littéraire », (photographié avec un épervier sur l'épaule), moins connues (Mauriac, Malraux, Queffélec ou Colette).
Lunettes sur le front, Michon furète comme le truffier, d'un chêne à l'autre. La vente n'a pourtant rien de flamboyant : « A Saint-Florent-le-Vieil, il s'est installé dans les meubles de ses parents, sans rien toucher », note Henri Veyrac. Le fauteuil où il installait ses visiteurs est resté aux héritiers. Un portrait de Gracq par Hans Bellmer a été légué à ses premiers exégètes universitaires.
De l'appartement parisien, on conserve un bureau, une chambre à coucher. Un moine chartreux l'aurait trouvé austère. Rien de ce qu'on attendrait d'un écrivain de la mouvance surréaliste : « Le fonds de commerce des surréalistes, rappelle Michon, c'est le marché aux puces et les échanges de tableaux et de dessins. Or Gracq ne collectionnait rien. »
La photo du prix Goncourt qu'il a refusé
Parmi des portraits, la photo du prix Goncourt refusé amuse Michon : « Regarde, il s'allume une clope, elle est jolie cette photo. Au fond, Gracq est une grande coquette : il a le Goncourt et le refuse. Le beurre et l'argent du beurre, quoi ! »
Se scandaliser de cette vente ? Pas Michon : « Rien n'est mis à l'encan de la vie privée, il n'y a pas de lettres sentimentales. » Seuls quelques objets touchants rappellent que lorsque grandissait la stature de Julien Gracq, Louis Poirier vivait toujours caché.
De l'enfance, un carnet de notes du lycée de Nantes montre l'élève brillant, « d'élite ». Son appareil photo, un Contessa Zeiss et toutes ses diapos : New York, le Montana... Gracq photographe ? Allez savoir.
Michon flaire les livres, les dédicaces, prend des images avec son téléphone portable. « Je me demande s'il avait gardé le livre que je lui avais envoyé, La Grande Beune. J'avais reçu une belle lettre de lui. Maintenant, je regrette un peu de n'être pas allé le voir. »
Daniel MORVAN.
Vente Gracq, mercredi 12 novembre à 14 h, chez Maîtres Couton & Veyrac, 8-10, rue de Miséricorde, à Nantes. Exposition publique ce mardi 11 novembre de 9 h à 12 h et de 14 h à 18 h, mercredi 12 de 9 h à 11 h.
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