Gracq s’était laissé tenter, il avait vu, puis il avait dit à Delvaux son admiration pour un film si différent du livre
Un signal m’avertit de l’arrivée d’un courriel. C’est Yves qui m’envoie une série de photos prises dans la vallée mosane où il habite, les unes par temps de brume, les autres par temps de givre et de lumière. Elles sont magnifiques, je les fais défiler sur l’écran, m’attarde sur certaines qui évoquent un monde à la Julien Gracq. Après, je vais au courriel qui les accompagne. Mais qu’est-ce qu’il raconte, Yves ? Il m’écrit que la mort de Gracq l’a consterné. Gracq n’est pas mort ! lui dirais-je s’il était devant moi. Sa phrase pourtant me trouble, elle met du désordre dans ma mémoire. Gracq serait-il mort cette année et ne l’aurais-je pas su ou l’aurais-je oublié ? Pour en avoir le cœur net je vais voir et là… une phrase se déplie sous mes yeux : “Auteur discret rétif aux honneurs, l'écrivain Julien Gracq est mort samedi à l'âge de 97 ans à Angers, dans le Maine-et-Loire.”
Françoise est passée, je lui ai parlé de Gracq, elle m’a parlé de Christian Bourgois. C’est le moment où l’on doit mettre les morts en place, comme me le rappelait souvent Max-Pol Fouchet. Françoise évoque la fidélité avec laquelle Christian, sitôt son stand monté au Salon du livre, venait nous voir achever le nôtre en nous parlant de la difficulté d’être encore éditeur de vraie littérature à notre époque. Moi, je me revois en compagnie d’André Delvaux me racontant que Gracq, qui refusait toujours que l’on adaptât ses romans à l’écran, lui avait permis d’y porter Le roi Cophétua, l’une des trois nouvelles composant La presqu’île, mais avait prévenu qu’il ne voulait ni voir le film ni en entendre parler. En 1971, André Delvaux avait achevé un long métrage raffiné, mystérieusement érotique, Rendez-vous à Bray. Gracq s’était laissé tenter, il avait vu, puis il avait dit à Delvaux son admiration pour un film si différent du livre et pourtant si fidèle à ce que, lui Gracq, avait voulu y dire.
lundi 24 novembre 2008
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