L'évidence, la proximité de « La forme d'une ville » de Gracq - Nantes
mercredi 09 janvier 2008 « [...] il y a musique chez Gracq, là où il n'y a que mots atones chez les autres
De Christian Calbour, lecteur de Nantes.
« Rien ne me prédisposait à l'évocation de Julien Gracq. Certes, j'avais lu précocement « Le rivage des Syrtes » après l'avoir, page après page, découpé d'un index fébrile. Mais, depuis cette époque, je n'avais plus parcouru d'opuscule de cet harmoniste de la langue : il y a musique chez Gracq là où il n'y a que mots atones chez les autres. L'écrit sans intonations, sans parfums, sans voix, sans gestes, sans creux et sans reliefs ne dessine qu'un paysage plan, morne, dénaturé, inanimé...
« Ma rencontre imprévisible, en octobre 2007, avec Hubert Fruchaud, lors de l'Exposition d'une quarantaine de ses tableaux représentant Nantes au début du XX e siècle, initia notre connivence. La concordance de notre perception de la ville, avant qu'elle se métamorphose - érodée et défigurée par la main de l'homme - en une banale mégapole désenchantée, unit nos savoir-faire à la recherche d'un temps perdu.
« Pour nous, il n'était rien de plus étrange que de se percevoir étranger dans notre propre ville... qu'elle soit natale ou d'adoption ! Ce malaise diffus, que nous partagions avec tant d'autres, fut à l'origine d'un livre : « Au bonheur de Nantes ».
« Cet ouvrage que nous venons tout juste d'achever, relate les déambulations de deux flâneurs à l'écoute de leur cité qui bavarde sans cesse mille discours dans leurs oreilles et mille images dans leur regard, afin qu'ils recréent son tissage subtil d'îles et de terres, d'eaux courantes et de ciels aux couleurs fortes, de façades enluminées ou modestes, d'héroïsme ou d'humilité... Il concrétise la rencontre entre un pinceau et une plume, outils devenus consanguins pour transcrire dans un même geste la vision d'une ville qui inspire tant de nos actions et de nos émotions. [...]
« Lors de l'écriture des textes d'« Au bonheur de Nantes », j'utilisais quelques bribes de Gracq sous forme de citations extraites de « La forme d'une ville » et recueillies au gré de mes lectures sur Nantes. [...] J'appelai les Editions José-Corti pour leur demander l'autorisation de citer Julien Gracq. Enhardi par la convivialité de mon interlocuteur, j'osai m'enquérir de la possibilité de transmettre notre texte à l'auteur qui, s'il le désirait, pourrait rédiger une préface. On m'indiqua que Julien Gracq, lisant difficilement et les mains déformées par l'arthrose, ne répondait plus aux diverses sollicitations dont il était l'objet.
« Au bonheur de Nantes » architecturé et rédigé, je me procurai enfin « La forme d'une ville », dont je tranchai maladroitement les hauts et les bords de page afin de découvrir l'intégralité du périple gracquien dans Nantes, unique cité qu'il éleva au rang de mythe formateur de sa personne. (...)
« Le vendredi 21 décembre, je débutai la lecture jubilatoire de « La forme d'une ville » dont l'évidence, l'actualité, la proximité étaient telles qu'il m'apparut comme indispensable que nos édiles (NDLR) et les nouveaux Nantais s'en dotassent pour ne plus massacrer notre ville.
« Le samedi 22 décembre, Julien Gracq, empruntant le Grand Chemin, accomplissait discrètement son ultime promenade parmi les vivants.
« Ces quelques lignes, hors de toute exégèse, témoignent de nos retrouvailles inattendues avec sa mémoire nantaise fidèle à sa Ville, compagne de ses déambulations et de ses rêveries déconstruisant l'espace-temps commun pour le reconstruire selon une poétique à nulle autre pareille. Elles expriment notre instinctuelle allégeance à ce coeur imprégné de notre campagne urbaine, celle qui le fit sensuel et charnel sur les chemins de l'écriture. (...) »
NDLR : Jean-Marc Ayrault maire de Nantes a dans son bureau, plusieurs exemplaires de la « Forme d'une ville » et en offre régulièrement à ses visiteurs au nom de la ville de Nantes.
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