Professeur de littérature germanique, exécutrice testamentaire de l'écrivain, elle fut aussi l'éditrice de son oeuvre dans La Pléïade. Bernhild Boie participait, hier à Nantes, à un hommage à l'écrivain.
Bernhild Boie avait 24 ans lorsqu'elle rencontra Julien Gracq pour la première fois. Grande lectrice depuis sa découverte d'Un Balcon en forêt, séduite par cet écrivain « qui sortait des chemins classiques », l'étudiante allemande avait choisi de lui consacrer sa thèse de doctorat. « À l'époque, rien n'avait été publié sur lui, à part dans la presse. Je suis venue à Paris et José Corti, son éditeur, m'a tout simplement donné son numéro de téléphone. Je n'y croyais pas. Moi, petite étudiante, je ne me voyais pas déranger l'écrivain ! » Bernhild Boie a fini par appeler Julien Gracq. C'était en 1961. Le début d'une longue amitié, jalonnée de fréquents entretiens, jusqu'à la mort de l'écrivain en décembre 2007. « On ne parlait pas de ses romans. Pour lui, la critique était l'affaire des critiques. Dans ma thèse, je n'ai publié qu'un petit entretien où je l'interroge sur le bouddhisme et sur Wagner. »
Julien Gracq, un nom déposé
Sa thèse abordait les grands thèmes développés dans l'oeuvre de Gracq. Devenue professeur de littérature germanique, Bernhild Boie aura l'occasion, quelques années plus tard, de s'y replonger dans les moindres détails, sollicitée par l'auteur pour l'éditer dans la collection de La Pléïade. « Il m'a demandé si cela m'amuserait de reprendre tout cela. J'ai accepté, en sachant que j'allais sans doute contredire ce que je pensais en 1961. On est toujours un peu péremptoire quand on est jeune ! »
À cette méticuleuse et protocolaire tâche d'introduction et d'annotation de chaque ouvrage, Bernhild Boie a consacré une dizaine d'années. « Ce qui me frappait, c'était la vivacité de son souvenir. Il se souvenait des choses non pas grâce à sa mémoire mais avec son corps. La difficulté chez lui, c'était ses allusions littéraires : il citait les auteurs de mémoire et parfois de manière approximative. Il était dans la fiction, alors qu'importe ! »
Retournée à la littérature germanique, l'universitaire a poursuivi un travail sur les manuscrits de Julien Gracq. Mais surtout, elle est devenue à sa mort son exécuteur testamentaire, détentrice du droit moral sur l'ensemble des textes. Aucune publication n'est aujourd'hui possible sans son aval. « Pour l'instant, je préfère donner du temps au temps », répond-elle sévèrement aux nombreuses sollicitations.
Par ailleurs, au titre d'ayant-droit, elle veille scrupuleusement sur l'utilisation du nom, déposé, de l'auteur (1). Elle accorde son autorisation avec parcimonie. « Il faut imposer des limites, veiller à ce que n'importe quel établissement ne s'empare pas de la mémoire de l'écrivain. » Comme elle sera (très) attentive au projet de Maison des écrivains, mené par la municipalité de Saint-Florent-le-Vieil et la région des Pays de la Loire, que devrait accueillir la demeure de l'écrivain.
Isabelle LABARRE.
Ouest-France
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